Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/204

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courant se joindre aux assaillants de la Bastille. Les détonations de l’artillerie et de la fusillade se sont peu à peu ralenties, puis ont complètement cessé ; un silence profond règne au dehors. Charlotte a repris ses esprits ; elle cache son pâle visage entre ses mains ; elle est assise à côté de sa mère. Celle-ci, grave, sévère, attache sur sa fille un regard profondément attristé, où se lisent la surprise et le reproche. Elle paraît d’abord hésiter à rompre le silence ; enfin, s’adressant à sa fille d’une voix brève et sèche :

— Grâce à Dieu, Charlotte, vous voici revenue de votre évanouissement… Continuons notre entretien… il est devenu pour moi d’une extrême importance…

L’expression sévère des traits de madame Desmarais, la froideur de son accent, frappent Charlotte. Elle tressaille, redresse la tête, laisse voir son visage baigné de larmes et reprend :

— Vous ne me tutoyez plus, ma mère… Auriez-vous à vous plaindre de moi ?

— Avez-vous donc oublié les paroles prononcées par vous… au moment où vous avez perdu connaissance ?

— Mon esprit était tellement troublé… que…

— La cause du trouble de votre esprit… pouvez-vous… oserez-vous me l’avouer ?

— J’étais épouvantée… de la pensée… que… que la guerre civile ensanglantait Paris… et que de nombreuses victimes allaient succomber…

— Ainsi, ma fille, telle était uniquement la cause de votre trouble… de votre évanouissement ?…

— Ma mère…

— Ainsi, la seule appréhension du sort de victimes inconnues de vous… a suffi pour vous bouleverser à ce point… que vous êtes tombée privée de sentiment…

— Ma frayeur était si grande… que…