Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/221

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au milieu des artisans ; d’autres soldats appartenant à la compagnie de grenadiers de Ruffeville, aux fusiliers de Lubersac, et conduits par leurs braves sergents Warnier et Labarthe, sont confondus parmi des volontaires des Tuileries, de la Basoche, du Commerce, jeunes gens appartenant à la bourgeoisie, et tous, bourgeois, artisans, soldats, acclament la victoire populaire aux cris mille fois répétés de : — Vive la nation ! — Des femmes, des enfants, emblème touchant et sacré de la famille, mêlés aux redoutables nécessités de la guerre civile, agitent des rameaux verts coupés aux arbres des boulevards ; toutes les figures rayonnent de cette joie sublime, sainte, trois fois sainte, qui, lors des événements décisifs de la vie d’un peuple, exaltent jusqu’à leur dernière puissance ses vertus natives, ses instincts généreux, le rendent capable de prodiges de désintéressement, d’héroïsme… Ah ! fils de Joël, ceux-là sont des calomniateurs infâmes qui accusent l’effervescence révolutionnaire de pousser au meurtre, au pillage ! Combien de fois à travers les âges l’avez-vous vu, le peuple insurgé ! Dites ?… quand a-t il souillé sa victoire par le viol, par l’assassinat ? Hélas ! la chaleur, l’exaspération du combat, la soif de représailles plus légitimes encore que terribles, ont fait des victimes, mais après la lutte, l’humanité n’a-t-elle pas presque toujours repris son empire ? Sans doute encore la fureur aveugle des opprimés s’est souvent acharnée aux objets extérieurs, symboles d’oppression séculaire : les églises, les palais seront ravagés ; les splendides ornements seront mis en poussière ou en flammes ; mais jamais, non, jamais ! ces héroïques révoltés, à peine vêtus de haillons, incertains du pain du lendemain, n’ont songé à s’approprier une parcelle de ces richesses jetées par eux au vent ! Ils font sur l’heure et inexorablement justice des pillards… et il s’en trouve parfois, car la tempête qui soulève le flot populaire dans ses dernières profondeurs fait aussi surgir son écume ! !

Tel est donc l’aspect des vainqueurs de la Bastille. Au centre de leur colonne et arrêtés devant la demeure de l’avocat Desmarais se