Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 13.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre les jansénistes et son dévouement aux jésuites, espéra obtenir à son tour le chapeau en se distinguant par son zèle à poursuivre l’hérésie ; il poussa le duc de Bourbon à de nouvelles persécutions contre les protestants. Les roués, les femmes galantes de la cour applaudirent à l’arrêt de 1724. Cet arrêt résumait en un code effrayant les lois rendues contre les réformés depuis la révocation de l’édit de Nantes :

« — Peine de mort ou des galères perpétuelles contre ceux qui exerçaient le culte réformé, même dans l’intérieur des maisons. — Peine de mort contre les ministres prédicants. — Droit accordé aux curés de visiter les malades sans témoin (monstrueuse iniquité, grâce à laquelle l’affirmation du curé suffisait à constater légalement que le malade avait refusé les sacrements, de sorte que, s’il survivait, il était envoyé aux galères comme relaps). — Peine des galères contre ceux qui s’opposeraient aux conférences secrètes imposées par le curé aux malades. — Tout mariage annulé s’il n’est béni par un prêtre catholique, et les enfants issus de ce mariage déclarés bâtards. — Ordres épiscopaux donnés aux curés de refuser le sacrement de mariage aux fiancés de la religion réformée qui ne feraient pas le serment de croire à la damnation éternelle de leurs parents décédés dans l’hérésie. »

L’affreuse nécessité de ce serment révoltant la plupart des fiancés, ils renonçaient au sacrement et vivaient forcément en concubinage, ou bien ils allaient de nuit se marier au désert, ainsi qu’ils appelaient les solitudes écartées où les attendaient leurs héroïques passeurs, qui, bravant la peine de mort, consacraient l’union de leurs religionnaires. Terribles fiançailles ! souvent les soldats surprenaient les protestants au fond des solitudes où ils entendaient le prêche de leur ministre. Celui-ci était pendu, et l’on traînait les nouveaux époux aux galères. Cette recrudescence de persécutions renouvela l’émigration des réformés, toujours si funeste aux intérêts commerciaux du pays.