Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/223

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la patrie, à contribuer au salut public ! » — J’ai entendu avec attendrissement ces mots qu’une femme âgée, semblant appartenir à la petite bourgeoisie, adressait à sa fille :

— Viens, mon enfant, ton père et ton frère partiront ce soir pour la frontière, allons travailler aux tentes ; peut-être abriteront-elles ceux que nous aimons !

— En tous cas, elles abriteront toujours de courageux patriotes, — répondit la jeune fille. — Viens, ma mère, viens vite !

— Aux églises ! aux églises ! — crièrent en courant un grand nombre d’autres femmes pauvrement vêtues. — À nous l’aiguille ! à nos hommes le fusil ! !

— Et il nous faudra peut-être le prendre le fusil ! — dit une matrone de virile apparence ; — ou, à défaut de fusils, nous armer de couteaux, de bâtons, de pierres, pour nous défendre, puisque les prêtres et les aristocrates n’attendent que le départ de nos hommes pour faire mettre Paris à feu et à sang par les brigands !

Ces derniers mots venaient de réveiller la fureur populaire contre les prisonniers, lorsqu’un très-jeune homme de grande taille, d’une figure remarquablement douce et belle, vêtu en bourgeois, portant sur son dos un havre-sac de soldat, une gourde en sautoir, et à la main un fusil de chasse, fend la foule, s’élance sur le banc de pierre servant de tribune, et, pâle, ému, le regard étincelant, s’écrie :

— Citoyens ! quelques amis et moi, élèves de notre illustre maître David, le grand peintre républicain, nous partons à l’instant pour la frontière !

— Braves jeunes gens ! — Vive la nation ! — Vivent les volontaires patriotes !

— Nous faisons notre devoir civique, rien de plus. Ce n’est pas pour solliciter vos applaudissements que je monte sur ce banc, — reprend le jeune peintre ; — je viens vous parler des prisons !

— Écoutons ! écoutons !

— Mes amis et moi, avant de partir, nous sommes allés demander