nent la foule, le silence se rétablit, l’on m’écoute et je reprends :
— Citoyens ! supposez que nous tous, patriotes ici présents, nous soyons incarcérés par nos ennemis triomphants…
— Eh bien ! — reprennent plusieurs voix exprimant la surprise. — Eh bien ! — Ensuite ?
— Le crime dont les royalistes nous accusent, c’est la prise des Tuileries, c’est la prise de la Bastille ; j’y étais, j’ai été blessé !
— C’est vrai, je reconnais le citoyen Jean Lebrenn, — dirent plusieurs voix ; — il est du quartier ; — c’est un bon patriote.
— Alors, qu’il achève. — Finissons-en, — s’écrièrent d’autres voix avec impatience. — Où veut-il en venir ?
— À ceci, citoyens : nous sommes incarcérés, nos ennemis se précipitent dans notre prison, nous surprennent sans défense, sans moyen de fuir, et nous massacrent tous !… dites, ne serait-ce pas là quelque chose de lâche, d’horrible, de monstrueux ?
— Sans doute, — répondent involontairement quelques voix ; — ce serait atroce.
— Et cette atrocité, vous la voudriez commettre ! — me suis-je écrié les mains jointes ; — vous, les généreux vainqueurs du 14 juillet et du 10 août ! ! ! Vous, qui avez arraché les Suisses aux scélérats qui allaient les égorger ! !
Mais, soudain, des cris, des huées, des imprécations menaçantes couvrent ma voix.
— C’est un endormeur !
— Un traître !
— Un royaliste déguisé !
— Il ose nous comparer aux aristocrates et aux prêtres, complices de l’étranger !
— Oui, nous la commettrons, ce que tu appelles une atrocité ! Elle sauvera la patrie, nos femmes, nos enfants ! — Mieux vaut égorger que d’être égorgé !
— À mort, les traîtres !