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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/253

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l’ont pas regardent la mort comme le plus terrible des châtiments, j’essayerai donc toujours d’en sauvegarder les femmes : elles sont sacrées pour moi, parce que j’ai chéri ma mère, — ajoute Victoria d’une voix émue, puis elle reprend : — Avant de te raconter dans quelles circonstances j’ai concouru à sauver madame de Tourzel et sa fille, je dois achever le récit des faits dont j’ai été témoin lors du jugement des prisonniers. Je t’ai dit, frère, comment on les acquittait, je dois t’apprendre comme on les condamnait. Pour exemple je te citerai Montmorin, double traître absous par la haute cour d’Orléans. Ce scandaleux acquittement, exaspérant l’indignation publique, a été l’une des causes les plus actives des événements d’aujourd’hui. Le peuple, lassé, irrité, de voir les criminels soustraits au glaive de la loi, s’est fait à lui-même justice en les frappant !

— Hélas ! il est trop vrai, l’acquittement de cet ancien ministre, complice de toutes les trahisons de Louis XVI, a été un déni de justice monstrueux. Le sang versé aujourd’hui doit aussi retomber sur les juges qui ont absous ce grand coupable.

— Montmorin, amené devant le tribunal, se présente fier, arrogant ; un sourire d’insolent mépris contracte ses lèvres. — « Vous êtes le citoyen Montmorin ? Les crimes dont vous êtes accusé sont notoires, qu’avez-vous à dire pour votre défense ? — demande Maillard à l’ancien ministre. — Je refuse de répondre, je ne vous reconnais pas le droit de me juger, — réplique Montmorin. » En vain, Maillard l’engage à parler ; l’accusé s’obstine dans son dédaigneux silence. — « Conduisez l’accusé à la Force », — dit Maillard après avoir consulté du regard les jurés, qui tous approuvent d’un signe de tête affirmatif la condamnation du comte de Montmorin.

— Cependant Maillard venait, m’as-tu dit, ma sœur, d’ordonner de conduire l’accusé à la prison de la Force ?

— Mots convenus afin d’épargner jusqu’au dernier moment aux prévenus les angoisses de la mort. Conduisez l’accusé à la Force ou élargissez l’accusé, étaient sa condamnation suprême. On ouvrait de-