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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/326

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— Je me consolerai difficilement de ce que mon projet ait échoué ; j’aurais été si fier d’avoir pour gendre un homme aussi éminent par le talent que par le patriotisme et l’énergie révolutionnaire ! Que voulez-vous, je suis résolu de ne jamais donner ma fille qu’à un républicain de notre trempe, cher collègue, et…

— Mais j’y songe, — reprend Billaud‑Varenne frappé d’une idée subite ; puis, réfléchissant : — Au fait… pourquoi pas ?

— Que voulez-vous dire ?

— Vous désirez avoir pour gendre un républicain éminent par le patriotisme, par le talent et par l’énergie révolutionnaire ?

— C’est mon vœu le plus ardent !

— Eh bien, mon cher Desmarais, vous l’avez peut-être sous la main… ce gendre !

— Comment cela ?

— Votre élève.

— Quel élève ?

— Jean Lebrenn.

— Hum ! — fit l’avocat, cachant à peine la surprise et le cruel embarras où le jetait la proposition de Billaud‑Varenne. — Sans doute, hum… sans doute Jean Lebrenn est un excellent patriote digne des louanges de Marat et de Robespierre.

— Eh bien, cher collègue ? sauf ce qu’on appelle le manque de naissance, de fortune, et je ne vous suppose pas homme à attacher à ces avantages, dus au hasard, une importance que…

— Ah ! Billaud‑Varenne, un pareil doute m’offense. Moi ! moi ! attacher l’ombre de l’importance aux stupides hasards de la fortune et de la naissance ! vraiment, je croyais être mieux connu de vous !

— J’aime à vous entendre tenir ce langage, si conforme à nos principes, et j’en reviens à mon idée : Jean Lebrenn est votre élève, il a vécu dans votre intimité, vous devez être édifié sur sa moralité,