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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/332

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plus adouci, — des geôliers, je l’avoue, figureraient mal à notre foyer républicain en un jour de fiançailles.

— De fiançailles ? — répète Billaud‑Varenne surpris, — que voulez-vous dire ?

— Mon cher collègue, savez-vous à qui j’écrivais il y a un instant, en votre présence ?

— Non.

— J’écrivais à votre jeune ami, à mon élève, en un mot, à Jean Lebrenn.

— Vraiment ?

— Je lui écrivais tout simplement et sans détours, ainsi qu’il convient d’agir entre hommes libres et dégagés de tous préjugés, que s’il voulait se marier, je lui offrais la main de ma fille.

— Qu’entends-je ! — s’écrie Billaud‑Varenne au comble de l’étonnement, — cette proposition…

— … Cette proposition ne doit pas, ce me semble, vous surprendre, cher collègue ; ne m’avez-vous pas fait tout à l’heure, et avec un tact excellent, observer que le mariage de la fille du riche bourgeois avec un honnête artisan, serait une profession de foi égalitaire d’un salutaire exemple ?

— En effet…

— ... Qu’ainsi serait consacrée par un acte la fusion, la fraternelle égalité du peuple et de la bourgeoisie ?

— Sans doute.

— Eh bien, cher collègue, frappé de l’excellence de votre avis, j’ai eu à cœur, j’ai tenu à honneur, moi, l’homme de l’égalité, de donner ce salutaire exemple de confraternité entre deux classes qui n’en font qu’une désormais ; j’ai eu enfin à cœur, j’ai tenu à honneur de consacrer ainsi, hautement, publiquement, en ce qui me concerne, l’anéantissement de ces odieux privilèges de la naissance et de la fortune, car la révolution ne reconnaît qu’une classe de citoyens, les hommes libres.