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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/333

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— Ah ! cette conduite est vraiment touchante et patriotique ! — s’écrie Billaud‑Varenne, et il ajoute à part soi : — Allons, mes soupçons n’étaient pas fondés, Desmarais doit être franchement, sincèrement révolutionnaire.

Charlotte, malgré le bonheur qu’elle ressentait, souffrait cruellement, ainsi que sa mère, de cette nouvelle preuve d’hypocrisie de l’avocat ; pourtant, ignorant encore à quelles lâches terreurs il obéissait en consentant à ce mariage, la jeune fille, répugnant à croire au mal, se persuadait que son père cédait tardivement à un généreux sentiment.

— Et maintenant, ma fille, — reprend M. Desmarais d’un ton solennel et pénétré, — répondez-moi en toute sincérité, je l’exige… Souvent, avant votre départ de Paris pour Lyon, où vous êtes restée pendant près de quatre ans, vous avez vu ici notre jeune voisin Jean Lebrenn ?

— Oui, mon père, répond la jeune fille se résignant non sans répugnance à se rendre complice de cette espèce de comédie, jouée aux yeux de Billaud‑Varenne, — oui, mon père, j’ai souvent vu ici M. Jean Lebrenn.

— Vous avez donc, ma fille, eu tout le loisir d’apprécier ce jeune citoyen. Que pensez-vous de lui ?

— Je pense qu’il n’est pas d’esprit plus élevé, de caractère plus généreux, de cœur meilleur que le sien.

— Ainsi, vous consentiriez à l’épouser ?

— J’y consentirais d’autant plus volontiers, mon père, que, depuis quatre ans, j’aime M. Jean Lebrenn, à votre insu et à l’insu de ma mère, — ajoute d’une voix tremblante la jeune fille, rougissant de ce mensonge, le seul, d’ailleurs, que lui imposât son père. — Je crois que mon affection est partagée par M. Jean Lebrenn.

— Cette jeune fille est charmante de grâce et de candeur, — se disait Billaud‑Varenne. — Quelle heureuse idée j’ai eue là ! quelle