Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/335

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coupable, j’ai dit le mot… votre coupable dissimulation au sujet de votre amour pour Jean Lebrenn ?

La rentrée de Gertrude épargna heureusement à Charlotte la nécessité d’un second mensonge, auquel il lui eût été presque impossible de se résigner, indignée qu’elle était cette fois de l’audacieuse hypocrisie de son père. Celui-ci dit à la servante :

— Eh bien ! quelle réponse a faite à ma lettre notre jeune voisin ?

— Citoyen, le citoyen Jean Lebrenn était absent ; le portier m’a dit qu’en sortant du club des Jacobins, il était rentré chez lui, afin de revêtir son habit d’officier municipal, et de se rendre à la prison du Temple, où il est de garde cette nuit pour veiller sur Louis Capet. J’ai rapporté la lettre ; la voici.

— Ah ! je regrette ce contre-temps, cher collègue, — dit l’avocat ; — surtout maintenant que je suis instruit de l’amour de ces deux enfants l’un pour l’autre. J’aurais été ravi de vous rendre témoin d’un bonheur dont ils vous sont en partie redevables !

— Je partage vivement vos regrets, cher collègue, — répond Billaud‑Varenne ; puis, réfléchissant et souriant : — Il dépend de vous de me donner une consolation, à laquelle je serai très-sensible.

— Laquelle ?

— Confiez-moi cette lettre ; je vais aller au Temple à l’instant ; il me sera, je le sais, impossible de voir Jean Lebrenn, chargé, cette nuit, de veiller sur Capet, car je connais la rigueur inflexible des ordres de la commune ; mais j’espère, en ma qualité de représentant du peuple, pouvoir faire remettre, ce soir même, cette lettre à notre jeune ami. Je serai ainsi le premier à l’instruire du bonheur qui l’attend : cela me consolera de n’avoir pas été témoin de la joie de votre élève.

— Ah ! monsieur, combien vous êtes obligeant, — dit vivement Charlotte, émue et rougissant ; — je vous remercie de cette bonne pensée, à laquelle M. Jean Lebrenn sera non moins sensible.