et le petit Rodin, escortés par des soldats ; l’un d’eux tenait une lanterne ; le canonnier Duchemin les suivait.
— Hé ! camarade, — dit Jean Lebrenn au maréchal des logis en s’approchant de lui, tandis que Victoria demeurait à l’écart, — un mot, je te prie ?
— À ton service, citoyen.
— Sais-tu ce que l’on a décidé au sujet de cet espion doublement dangereux, puisqu’il appartient à la compagnie de Jésus ?
— D’après ce que je viens d’entendre, le calottin doit être fusillé demain matin. On le conduit au poste du grand prévôt de l’armée chargé de l’exécution, et comme ma batterie est voisine de la prévôté, je fais la conduite à l’agent de Pitt et Cobourg.
L’un des aides de camp de Hoche sortit précipitamment de la maison commune où venaient de conférer les représentants du peuple et les généraux réunis en conseil de guerre, traversa la cour et se dirigea en courant vers le poste d’honneur du quartier général. Une compagnie de grenadiers de garde à ce poste prit aussitôt les armes, le tambour à droite, les officiers en tête, et bientôt les quatre représentants du peuple, SAINT-JUST et LEBAS, commissaires extraordinaires de la Convention à Strasbourg ; LACOSTE et RANDON, commissaires auprès de l’armée de Rhin et Moselle, descendirent les degrés du seuil de la maison commune, précédés de quelques sous-officiers munis de fallots et suivis de Hoche, de Pichegru et des officiers généraux commandant les divisions. Tous se découvrirent respectueusement au moment de se séparer des représentants du peuple. Ceux ci, coiffés de chapeaux dont l’un des bords, relevé d’un côté, était surmonté d’un panache tricolore, portaient l’habit bleu à larges revers sans broderies, une écharpe aux couleurs nationales, un pantalon bleu comme l’habit et des bottes à retroussis éperonnées ; un sabre de cavalerie pendait à leur côté. Saint-Just marchait le premier. Il avait à peu près le même âge que Hoche (vingt-quatre ans environ). Tous deux s’entretenaient à voix basse, distançant ainsi de quelques pas les autres représentants du peuple et les généraux. Les traits, l’attitude de Hoche et de Saint-Just, éclairés par la lueur des fallots que portaient des sous-officiers, contrastaient vivement. Le général républicain, d’une stature robuste, svelte, élevée, d’une physionomie ouverte, intelligente et résolue, que rendait plus martiale encore une glorieuse cicatrice, témoignait en ce moment d’une insistance presque suppliante en s’adressant à Saint-Just. Celui-ci, de taille moyenne, le front haut et fier (ses ennemis disaient de lui : « Il porte sa tête comme un