Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/283

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LE PRÉSIDENT LUCIEN BONAPARTE, très-ému. — Que ceux qui sont d’avis que le conseil des Cinq-Cents retourne siéger à Paris veuillent bien se lever…

(L’immense majorité de l’Assemblée se lève.)

LE PRÉSIDENT LUCIEN BONAPARTE. — Le conseil des Cinq-Cents déclare qu’il retournera siéger dans le local habituel de ses séances.

DELBREL. — Je demande qu’il soit voté par assis et par levé, qu’il soit décrété que les troupes rassemblées à Saint-Cloud font partie de la garde de l’assemblée ; que leur commandement est confié au général Bernadotte.

LE PRÉSIDENT LUCIEN BONAPARTE, d’une voix forte. — Vous outrepassez vos pouvoirs !

VOIX NOMBREUSES. — Mettez aux voix la proposition. — Vous êtes donc complice des conspirateurs ? — Hors la loi le président, s’il trahit l’assemblée !

LE PRÉSIDENT LUCIEN BONAPARTE, d’un accent contraint. — Que ceux qui sont d’avis de donner le commandement des troupes au général Bernadotte se lèvent !

(La même majorité se lève spontanément.)


DELBREL. — Je demande qu’il soit ajouté à cette proposition la mise hors la loi du général Bonaparte. (Tonnerre d’applaudissements.)

LE PRÉSIDENT LUCIEN BONAPARTE, d’une voix éclatante. — Jamais je ne proposerai la mise hors la loi de mon frère ! (Portant à ses pieds sa toque et son manteau de président.) Puisque je n’ai pu me faire entendre dans cette enceinte, je dépose avec un profond sentiment de dignité outragée… je dépose les marques de la magistrature populaire !

Un violent tumulte succède aux paroles et à l’acte de Lucien Bonaparte, qui est descendu de la tribune. Quelques représentants le somment de reprendre ses fonctions, d’autres s’écrient qu’il vaut mieux être délivré d’un président complice des conjurés… En ce moment, un capitaine de grenadiers entre brusquement dans la salle des séances ; la porte, laissée ouverte, permet d’y apercevoir au dehors un peloton de soldats. L’officier se dirige vivement vers le groupe au milieu duquel Lucien Bonaparte, véhémentement interpellé par ses collègues, leur répond avec non moins de véhémence ; le capitaine s’approche de Lucien, lui dit quelques, mots à l’oreille, et aussitôt celui-ci sort en hâte de la salle, suivi de l’officier et escorté par les soldats. Cette nouvelle violation du lieu de leur séance par la force armée a été si soudaine, le départ du président a été tellement inattendu,