Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/301

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le Portugal, espèce de colonie anglaise, ouvrait ses ports aux navires britanniques, Napoléon déclara déchue du trône la maison de Bragance, et une armée française envahit le Portugal, le 27 octobre 1807. Napoléon, aspirant plus que jamais à la monarchie universelle, profita des animosités de famille élevées entre le roi d’Espagne et son fils, obligea le premier, par toute sorte de moyens, à se démettre de sa couronne en sa faveur, à lui, Napoléon, qui la conféra à son frère Joseph ; celui-ci laissant vacant le trône de Naples, il fut donné à Murat, soldat de fortune et beau-frère de l’empereur. Les troupes françaises entrèrent sans coup férir à Madrid ; mais alors commença, non-seulement de la part du peuple espagnol, mais de la part de tous les peuples de l’Europe, réduits par la force des armes à subir la domination de Napoléon et de sa famille, une révolte ouverte ou latente contre cette oppression étrangère ; le sentiment de leur indépendance et de leur nationalité se réveilla parmi toutes ces nations avec une indomptable énergie, et de l’invasion de l’Espagne data le déclin de la vertigineuse élévation de Napoléon. Plus tard, déchu du trône et captif à Sainte-Hélène, où il expiait dans la souffrance et la douleur le coup d’État de brumaire, ses attentats contre la liberté de la France et de tant de peuples de l’Europe, Bonaparte a, en ces termes, flétri lui-même son expédition d’Espagne :

« J’embarquai, dit-il, fort mal toute cette affaire. L’immoralité du se montrer par trop patente, l’injustice par trop cynique, et le tout demeure fort vilain, PUISQUE J’AI SUCCOMBÉ : car l’attentat ne se présente plus que dans sa honteuse nudité, privé de tout le grandiose et des nombreux bienfaits qui remplissaient mon intention. La postérité l’eût préconisé pourtant si j’avais réussi, et AVEC RAISON, peut-être, à cause de ses grands et heureux résultats. Cette combinaison m’a perdu ; elle a perdu sa moralité en Europe, ouvert une école aux soldats anglais. Cette malheureuse guerre d’Espagne a été une véritable plaie, la cause première des malheurs de la France [1]. »

Napoléon l’a dit : oui, la guerre d’Espagne, provoquée par lui avec autant d’immoralité et de cynisme que d’iniquité, fut l’une des causes des malheurs de la France. Le peuple espagnol se révolta contre le joug étranger ; une junte nationale, assemblée à Séville, le 27 mai 1808, déclarant Joseph Bonaparte usurpateur du trône,

  1. Mémorial de Sainte-Hélène, tome III, p. 403.