Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/302

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reconnut pour roi Ferdinand III, et appela le peuple aux armes ; il répondit vaillamment à cet appel, et pour la première fois, peut-être, on vit le clergé embrasser la cause des vaincus, de l’opprimé contre l’oppresseur. Le clergé espagnol se trouvait, il est vrai, dépossédé de ses biens immenses depuis l’occupation française ; les plus chers intérêts des prêtres les poussaient donc à la révolte ; aussi, par ses prédications, par son exemple, car beaucoup de moines prirent les armes, le clergé espagnol exalta-t-il jusqu’à l’héroïsme le sentiment patriotique des populations. Toutes les provinces non militairement occupées par nos troupes se soulevèrent, et bientôt le soulèvement gagna le Portugal. Joseph Bonaparte dut quitter Madrid devant une insurrection formidable. Napoléon, apprenant ce désastre, en Allemagne, accourt à marches forcées, à la tête de quatre-vingt mille hommes de vieilles troupes ; les guérilleros espagnols se débandent devant l’armée française pour se reformer plus tard, et l’empereur ramène Joseph Bonaparte à Madrid.

Cette victoire exaspérant le sentiment national des Espagnols, ils se préparent à une nouvelle lutte, plus acharnée que la première, dont l’issue ne pouvait être douteuse, car presque tous les États de l’Europe inféodés à l’empire français, ainsi que l’était l’Espagne, se révoltaient à leur tour. Ruinés par le blocus continental, qui anéantissait leur commerce d’exportation, humiliés, froissés du despotisme napoléonien, ils firent, en haine de Napoléon Ier, cause commune avec leurs souverains dépossédés ou annihilés par lui. Plusieurs de ces États regrettaient cependant le gouvernement républicain qu’ils avaient dû à l’expansion révolutionnaire de la France sous la Convention ou sous le Directoire ; mais ils oubliaient leurs regrets pour défendre ou reconquérir leur indépendance. Napoléon allait avoir à combattre non-seulement les rois et leurs armées, mais encore leurs peuples en masse, tandis que la France, révoltée de sa longue servitude, fatiguée de voir son sang et son or commencer de se tarir sans jamais assouvir la soif de conquêtes de son impérial dictateur, s’irritait contre lui chaque jour davantage. L’Autriche, profitant de la diversion que lui offrait la guerre d’Espagne, où l’empereur a dû se rendre, met sur pied une armée de cinq cent mille hommes, et entre en campagne au printemps de 1809. À ce signal, le Tyrol se soulève, le roi Jérôme Bonaparte est chassé de son trône par les Westphaliens ; l’Italie s’agite, la Prusse n’attend qu’un revers de Napoléon en Allemagne, pour se joindre à l’Autriche ; seule, la Russie reste encore fidèle au traité de paix de Tilsitt. Napoléon, rappelé d’Espagne par