Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/378

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Marik avec une tendre sollicitude, puis l’embrassant passionnément. — Te voici enfin hors de danger, cher fils. Ah ! de quel poids mon cœur est soulagé. Le bonheur que j’éprouve me consolera du moins de nos amères déceptions. Tout est fini, le duc d’Orléans vient d’être nommé.

MADAME LEBRENN. — Mon ami, je t’en supplie…

JEAN LEBRENN, surpris. — Que signifie ?…

MARIK. — Il est trop tard, bonne mère, il est trop tard. (Avec amertume.) Tout est fini, mon père l’a dit ; mais ne crains rien, j’aurai du courage.

MADAME LEBRENN, répondant à un regard interrogatif de son mari. — Voici pourquoi, mon ami, je voulais t’empêcher d’apprendre à notre fils cette triste nouvelle, à laquelle je m’attendais d’ailleurs. Je craignais qu’elle ne causât à Marik un chagrin, une irritation nerveuse qui pouvaient avoir pour lui quelque danger dans l’état où il se trouve ; aussi l’avais-je assuré, ce qui d’ailleurs alors était vrai, que la question du nouveau gouvernement de la France était encore en suspens, et j’avais prié nos amis de ne rien apprendre à notre fils sur ce pénible sujet.

JEAN LEBRENN. — Peut-être en effet eût-il mieux valu laisser encore ignorer à Marik ce fatal résultat d’une si glorieuse victoire, je regrette ma précipitation et de lui avoir appris si tôt la triste vérité.

MARIK. — Je vous le répète, mon père, et croyez-moi, j’aurai du courage. Ce résultat, d’ailleurs, vous le savez, entrait dans nos prévisions, et ainsi que le disait si justement avant la lutte notre ami M. Martin, quelque soit le gouvernement qui succède à celui de Charles X, ce sera toujours un pas, un grand pas vers la république ; enfin c’est un admirable et solennel exemple donné à l’Europe, que Paris soulevé au nom de ses libertés menacées, châtiant un roi parjure ; c’est moralement un nouveau 21 janvier ; la royauté, honnie, chassée, n’est plus viable en France, malgré la nouvelle épreuve qu’il nous faut subir.

JEAN LEBRENN. — Bien, bien, mon fils, le calme et la justesse de tes paroles me font moins regretter ma précipitation à te dire le vrai des choses.

MARIK, tendant la main à Olivier. — Bonjour, général ; j’ai été heureux d’apprendre que vous non plus n’étiez pas blessé.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Ce n’est pas ma faute, mon cher Marik.

MARIK. — Oh ! je le sais.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — J’ajouterai seulement que quoique assez