Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/8

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—… L’un des gardiens du domaine national de Sceaux… je me le rappelle parfaitement…

— Ce brave homme occupait avec sa femme, à l’une des portes du parc, le rez-de-chaussée d’un pavillon d’entrée assez considérable. Le premier étage restant inhabité, j’y avais logé lors de mon récent séjour à Sceaux. Ce fut là que je conduisis Olivier. Je le présentai au gardien et à sa femme, comme l’un de nos parents à qui l’on ordonnait l’air de la campagne pour rétablir sa santé ; je devais rester auprès de lui pour le soigner. Ces bonnes gens nous accueillirent avec empressement. Ils disposèrent une chambre pour Olivier, grâce aux débris du garde-meuble du château, et ils se chargèrent de préparer nos repas. J’avais, tu le sais, emporté environ six cents livres, produit de mes économies. Cette somme devait pendant quelque temps subvenir à nos besoins. Mes arrangements terminés avec le concierge, j’emmenai Olivier dans le parc. Nous avions quitté Paris avant l’aube, et à notre arrivée à Sceaux, la nature était dans tout l’éclat de sa fraîcheur matinale. Le soleil de mai jetait ses premiers rayons sur ces sites enchantés ; nous cheminions silencieux à travers des pelouses qu’ombrageait une admirable végétation, réfléchie dans le miroir des pièces d’eau. Ailleurs, des vases, des statues de marbre se dessinaient sur la verdure des charmilles ; puis, c’étaient des fontaines jaillissantes entourées de massifs de rosiers alors en pleine floraison. Leur parfum embaumait l’air… Ces détails te sembleront puérils, mon frère… cependant ils ont leur importance…

— Je le conçois ; tu espérais sans doute rattacher ce malheureux enfant à la vie en lui montrant, par cette belle matinée de printemps, la nature dans son plus riant aspect ?

— Telle était ma pensée. J’observais Olivier ; sa physionomie, d’abord morne et sombre, s’épanouissait peu à peu. Il aspirait à pleins poumons la senteur matinale des bois, des prairies et des fleurs. ll prêtait l’oreille avec ravissement au gazouillement des milliers d’oiseaux nichés dans les feuilles. Sa pâleur maladive se colorait. Son regard, jusqu’alors éteint, brillait parfois de l’ardeur de la jeunesse. Il se reprenait à l’existence en s’abandonnant à ces douces sensations éveillées en lui par la contemplation de la nature. Je m’efforçais d’exalter encore ces impressions en poétisant de mon mieux, par mes remarques, ces tableaux déjà si poétiques. Je m’adressais aux cordes les plus sensibles, les plus délicates de l’âme de cet adolescent. Ma familiarité tempérait ce qu’il y avait eu jusqu’alors de grave, de maternel dans mes rapports avec lui ; je lui parlais, enfin