Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/106

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La Thessalienne parla bas à l’oreille de la grande dame, qui lui dit tout en l’écoutant :

— Te la faut-il jeune… belle ?…

— Oui, jeune et belle, — répondit la magicienne avec un sourire qui fit frémir Sylvest, — j’aime ce qui est jeune… ce qui est beau…

— Choisis, — dit Faustine en lui désignant du geste ses esclaves muettes, immobiles et debout autour de leur maîtresse.

La sorcière s’approcha d’elles, examina soigneusement la paume des mains de plusieurs de ces jeunes filles qui, osant à peine manifester leur inquiétude devant Faustine, échangeaient quelques regards à la dérobée. Enfin la vieille fit son choix : c’était une charmante enfant de quinze ans ; à son teint brun, à ses cheveux d’un noir bleuâtre, on la reconnaissait pour une Gauloise du Midi. La Thessalienne la saisit par la main, l’amena toute tremblante devant la grande dame, et lui dit :

— Celle-ci convient !

— Prends-la ! — répondit Faustine pensive, sans même regarder la jeune fille, dont les yeux déjà humides de larmes l’imploraient humblement.

— Une coupe pleine de vin ! demanda la sorcière.

Le noir Éthiopien alla chercher une coupe sur l’un des buffets d’ivoire et la remplit.

Faustine devenait de plus en plus sombre ; par deux fois elle passa ses mains sur son front, et dit durement aux deux jeunes Grecs qui, attentifs à cette scène, avaient cessé le jeu de leurs éventails :

— De l’air… donc… de l’air !… j’étouffe ici… Pas de négligence… ou je vous fais couper les épaules à coups de fouet !

Les deux affranchis, à cette menace, firent jouer leurs éventails avec une nouvelle activité.

Le noir ayant rapporté du buffet une coupe remplie de vin, la sorcière tira de sa pochette un petit flacon, en vida le contenu dans le vase d’or, et, le présentant à la jeune esclave, lui dit :