Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/107

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— Bois…

Sans doute frappée d’un sinistre soupçon, la malheureuse enfant hésita… et tâcha de chercher, soit un conseil, soit un regard de pitié chez ses compagnes ; mais, hélas ! telle est l’horrible condition de la servitude, que toutes les esclaves détournèrent les yeux de cette infortunée, craignant d’être compromises en répondant au muet appel qu’elle faisait à leur pitié.

Faustine, courroucée de l’hésitation de son esclave, s’écria d’une voix menaçante :

— Par Pluton… boiras-tu ?

La jeune fille, se voyant abandonnée de tous, devint d’une pâleur mortelle, se résigna, leva les yeux au ciel, approcha la coupe de ses lèvres d’une main si tremblante que Sylvest entendit le choc du métal sur les dents de cette pauvre enfant ; puis elle but, rendit la coupe à l’Éthiopien, et secoua la tête avec accablement, comme quelqu’un qui renonce à la vie.

— Maintenant, — lui dit la sorcière, — donne-moi tes mains…

La jeune Gauloise obéit ; la sorcière prit un morceau de craie dans sa pochette et en blanchit les doigts de l’esclave.

À peine la vieille avait-elle terminé cette opération, que la jeune Gauloise devint livide, ses lèvres bleuirent, ses yeux semblèrent se renfoncer dans leur orbite, ses membres frissonnèrent, et se sentant sans doute défaillir, elle s’appuya sur l’un des trépieds où brûlaient des parfums, et porta d’un air égaré ses mains tantôt à son cœur, tantôt à sa tête…

La grande dame, toujours accoudée, le menton dans sa main, avait attentivement suivi les mouvements de la sorcière, et lui dit :

— Pourquoi lui as-tu ainsi enduit les doigts de craie ?

— Pour qu’elle écrive.

— Quoi ?

— Les caractères qu’elle va tracer sur ce tapis rouge avec ses doigts enduits de blanc.