Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/116

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d’autant plus ses traits à son mari que le jour augmentait ; — retourne chez ton maître… pars… pars à l’instant, si tu m’aimes !…

— Partir ! sans avoir vu tes traits !… partir… sans un baiser, un seul et dernier baiser !…

— Oui… — a-t-elle repris d’une voix entrecoupée. — Oui, pars… va-t’en sans me regarder… il le faut… je le veux… je t’en supplie…

— Partir sans te regarder ? — répéta Sylvest stupéfait. — Loyse… que signifie cela ?…

Et comme sa femme, retirant brusquement son autre main d’entre les mains de son époux, cachait complètement sa figure, et ne pouvait plus retenir ses sanglots, Sylvest, effrayé, abaissa, malgré elle, les mains de sa femme, se renversa en arrière à mesure qu’il la contemplait… et poussa enfin un grand cri de douleur déchirante… oui, un cri de douleur horrible…

La dernière fois qu’il avait vu Loyse, son teint semblait plus blanc que le lis ; ses yeux, bleus comme le bleu du ciel, se voilaient de longs cils ; ses traits charmants étaient d’une incomparable pureté, et, lorsqu’elle souriait, sourire d’esclave cependant, sourire triste et résigné, ses lèvres vermeilles avaient une expression de douceur céleste…

Oui, voilà quelle était Loyse, et voici comme la revoyait Sylvest aux clartés du soleil levant : un des yeux de sa femme paraissait mort ; l’autre, éraillé, sans cils, s’ouvrait entre deux paupières rougies. Son teint était aussi brûlé, aussi couturé, que si elle eût exposé sa figure à un brasier ardent. Ses lèvres étaient boursouflées, cicatrisées, comme si elle avait bu quelque liquide bouillant… et pourtant, malgré sa hideur effrayante, ce pauvre visage exprimait encore, et plus que jamais peut-être, une douceur ineffable. Le premier mouvement de Sylvest fut de pleurer en silence toutes les larmes de son cœur, en regardant sa femme, qui lui dit d’une voix navrée :

— Je suis bien laide, n’est-ce pas ?