Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/136

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son esprit ; — mais maintenant que je vous ai dit ma mauvaise nouvelle, et bien que je ne partage pas votre sécurité, j’arrive au service que je viens vous demander.

— Un mot, cher Norbiac ; vous êtes voisin de Junius… Savez-vous si sa fille, la belle Lydia…

— Morte… mon cher… morte ce matin au point du jour…

— Voilà ce que je craignais d’apprendre ; car, hier soir, l’on conservait à peine l’espoir de la sauver.

— Pauvre jeune fille !… Une vestale n’était pas plus chaste, dit-on…

— Aussi excitait-elle autant d’admiration que de curiosité, car les vestales sont rares à Orange, mon cher Norbiac. Ah ! les gardiens du tombeau de Lydia vont avoir fort affaire cette nuit…

— Pourquoi ?

— Et les magiciennes ?

— Comment ?

— Ignorez-vous donc qu’elles rôdent toujours autour des tombeaux (J), afin d’emporter quelque bribe humaine pour leurs sortilèges ?…

— En effet, j’ai ouï dire…

— Et il paraît surtout que le corps d’une jeune vierge trépassée est précieux pour leurs maléfices ; aussi, vous le disais-je, comme peu de filles meurent vestales à Orange, les gardiens du tombeau de Lydia auront à repousser des assauts de sorcières… Junius est de mes amis… Il sera inconsolable de la mort de sa fille… Que Bacchus et Vénus lui viennent en aide !… Et maintenant, cher Norbiac, dites-moi quel service je peux vous rendre, et disposez de moi…

— Votre charmant poëte Ovide vient d’écrire l’Art d’aimer ; c’est bien : mais qu’est-ce que l’art d’aimer sans l’art de plaire ? — Et Norbiac se sourit encore à lui-même avec satisfaction. — Or, je vous reconnais humblement passé maître en cet art de plaire, mon cher Diavole ; aussi je viens, moi, Gaulois barbare, vous demander conseil.