Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/137

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— Vous êtes amoureux ?

— Passionnément, éperdument, follement.

— D’une femme ?

— Comment ? — dit Norbiac, surpris.

Puis, se ravisant, il répondit en riant :

— Que je suis novice encore !… Oui, je suis amoureux d’une femme… et vous allez rire de la bassesse de mes goûts : j’aime une courtisane…

— La belle Gauloise, peut-être ?…

— D’où vient votre étonnement, Diavole ?… Est-ce que, vous aussi ?…

— Moi ?… Par Hercule ! je me soucie de la belle Gauloise comme de faire donner des étrivières à ce drôle que voilà, et qui n’a jamais été plus longtemps à me raser… Finiras-tu, pendard ?

— Seigneur, vous remuez tellement en parlant, — dit Sylvest à son maître, — que je crains de vous couper.

— Commets une pareille maladresse, et la plus légère égratignure à mon menton se traduira, je t’en préviens, en lambeaux de chair enlevés sur ton dos… Vous disiez donc, mon cher Norbiac, que vous étiez amoureux fou de la belle Gauloise ?… Sans partager votre goût, je l’approuve ; car, par Vénus ! sa patronne, on ne saurait être plus charmante. Mais, qui vous arrête ? Vous êtes riches, très-riche ; vous avez la clef d’or ; le bon Jupin s’en est servi pour entrer chez Danaë… Imitez-le…

— Combien cet exemple prouve encore la supériorité de vos dieux sur les nôtres !… Ce n’est pas chez ces farouches que l’on trouverait ces divins enseignements… Mais, hélas ! la clef d’or ne sert de rien pour entrer chez la belle Gauloise.

— Comment ! une courtisane ?

— Ignorez-vous donc que celle-ci, mon cher Diavole, n’est pas une courtisane comme une autre ?

— Et quelle différence y a-t-il ?