Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/147

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valet, parler de son honneur ? — dit l’eunuque ; et regardant Sylvest avec un redoublement de défiance, il ajouta : — Viendrais-tu, scélérat, faire honte à ta sœur de son métier ?…

— Plût aux dieux ! car j’aimerais mieux la voir tourner, pieds nus, la meule d’un moulin, sous le fouet d’un gardien, que vivre dans une honteuse opulence ! — s’écria Sylvest.

Ces mots prononcés, il les regretta, pensant qu’ils pouvaient empêcher l’eunuque de le conduire auprès de Siomars, de peur qu’elle n’écoutât les bons conseils de son frère. Mais, à sa grande surprise, l’eunuque, après avoir longtemps et de nouveau réfléchi, se frappa le front comme frappé d’une idée subite, prit la lampe d’une main, de l’autre son poignard, et dit à Sylvest.

— Suis-moi…

Le vieillard ouvrit la porte, précéda l’esclave dans un couloir tortueux où ils marchèrent durant quelques instants ; puis, soufflant soudain la lampe, il dit à Sylvest au milieu d’une obscurité profonde :

— Passe devant moi.

Sylvest obéit, quoique très-surpris, et se glissa, non sans peine, entre le gros eunuque et la muraille de l’étroit couloir.

— Maintenant, — reprit le vieillard, — va toujours devant toi jusqu’à ce que tu trouves un mur… L’as-tu rencontré ?

— Je viens de m’y heurter.

— Ne bouge pas et écoute bien.

L’eunuque cessa de parler, puis bientôt il ajoute :

— Qu’as-tu entendu ?

— J’ai entendu comme le bruit d’une coulisse glissant dans sa rainure.

— Tu devrais t’appeler Fine-Oreille… Adosse-toi au mur… Est-ce fait ?…

— Oui.

— Avance avec précaution un de tes pieds à un pas devant toi, comme pour tâter le terrain… Que sens-tu ?