Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/155

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— Tu veilles, par Hercule ! Oui, tu es bien éveillé… mais tu as peur… Comment, infâme poltron ! tu as une sœur qui, par sa puissance magique, peut devenir tour à tour la belle Gauloise, orfraie, louve, couleuvre… qui peut enfin revêtir toutes les figures, et tu ne te réjouis pas… pour l’honneur de ta famille !…

Sylvest sentit sa raison un instant défaillir ; il crut aux paroles de l’eunuque… Siomara, se métamorphosant en hideuse magicienne, ne pouvait-elle pas aussi se transformer en orfraie, en louve ou en couleuvre ? Le vieillard, barrant toujours le passage avec son gros corps, continua :

— Quoi, butor ! tu ne me remercies pas, moi qui t’ai placé en ce bon endroit afin de t’initier aux secrets de la vie de Siomara… de sorte qu’en la voyant tout à l’heure tu puisses la serrer tendrement contre ton cœur de frère, et lui dire : « Tu es la digne fille de notre mère !… »

— Ô tout-puissant Hésus ! sois miséricordieux !… ôte-moi la vie, ou éteins tout à fait ma pensée, que je n’entende plus ce démon !… — dit Sylvest, tellement abattu, étourdi, qu’il ne se sentait ni la force ni le courage d’employer la violence pour fuir.

— Quoi ! je te place là, afin que tu puisses voir aussi et connaître le galant de ta sœur… approuver son bon goût, la féliciter tout à l’heure de son choix, et tu restes là… stupide comme une borne, sans m’en dire un mot ?… Réponds donc !…Tu le connais maintenant, j’espère, le galant de Siomara… tu l’as vu, son beau Belphégor !

— Je n’ai vu personne… — murmura Sylvest de plus en plus éperdu, et répondant pour ainsi dire malgré sa volonté. — La jeune femme qui était là… oh ! non ! ce n’était pas ma sœur… est entrée en envoyant des baisers… à quelqu’un que je ne pouvais apercevoir… J’ai cru que c’était au gladiateur Mont-Liban qu’elle les adressait.

— Mont-Liban ! — reprit l’eunuque en éclatant de rire. — Siomara méprise Mont-Liban comme la boue de ses sandales… elle don-