Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/165

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Pour me voir, il t’a dit de regarder la muraille… Parles-tu sérieusement, bon et cher frère ?…

— Je parle si sérieusement, Siomara, qu’en cet instant je ressens une terrible angoisse… car ce mot fatal que j’attends de toi, tu vas le prononcer… Écoute encore… J’ai donc suivi le conseil de l’eunuque, j’ai regardé la muraille, et alors…

— Et alors ?…

— Par je ne sais que prodige, ce mur est devenu transparent… et j’ai vu, dans une chambre voûtée, une femme… Elle avait ta ressemblance… cette femme… Était-ce toi, Siomara ? était-ce toi ou ton spectre ?… était-ce toi… oui ou non ?…

Et pendant que Sylvest tremblait de tous ses membres, attendant la réponse de sa sœur :

— Moi… dans une chambre voûtée ? — répéta-t-elle comme si son frère lui eût dit quelque chose d’impossible, d’insensé. — Moi… vue à travers la transparence d’une muraille ?…

Puis, portant vivement ses deux petites mains à son front, comme frappée d’un brusque souvenir, elle se prit à rire aux éclats, mais d’un rire tellement naïf et franc, que son visage enchanteur devint d’un rose vif et ses yeux se noyèrent de ces larmes que provoque souvent l’excès de rire. L’esclave la regardait bien étonné ; mais aussi bien heureux… oh ! de plus en plus heureux de sentir ses soupçons se dissiper. Alors, elle, se rapprochant davantage encore de son frère, assis à ses côtés, appuya l’un de ses bras sur son épaule et lui dit de sa voix douce :

— Te rappelles-tu, dans notre rustique maison de Karnak… à gauche de la bergerie, et donnant sur le pâtis des jeunes génisses ?… te rappelles-tu, au pied d’un grand chêne, une petite logette couverte d’ajoncs marins et…

— Certes… — répondit Sylvest surpris de cette question, mais se laissant aller malgré lui à ces chères souvenances. — Cette logette, je l’avais construite pour toi…