Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/166

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— Oui, et quand le soleil d’été brûlait, ou que les pluies de printemps tombaient, nous nous mettions, tu sais, à l’ombre ou à l’abri dans ce réduit…

— On y était si bien !… Au-dessus de soi, ce grand chêne ; devant soi, le beau pâturage des jeunes génisses… et, plus loin, le joli ruisseau bordé de cette belle saulée, où l’on étendait les toiles nouvellement tissées…

— Frères, te rappelles-tu qu’une fois retirés là, nous aimions beaucoup à jouer à des jeux parlés, comme nous disions ?

— Oui, oui… je m’en souviens…

— Te rappelles-tu qu’un de ces jeux s’appelait celui des conditions ?

— Sans doute…

— Eh bien, frère, jouons-y encore… à cette heure comme autrefois.

— Que veux-tu dire ?

Elle reprit avec une grâce charmante :

— Première condition : Le petit Sylvest, qui voit des Siomaras à travers les murailles, n’interrogera plus sa sœur sur ce sujet… car celle-ci, malgré le profond respect qu’elle a pour son aîné, ne pourrait s’empêcher de rire de lui… Seconde condition : Le petit Sylvest répondra aux questions que lui adressera sa sœur ; et ces conditions remplies, il apprendra tout ce qu’il veut savoir, même au sujet de la muraille transparente, — ajouta Siomara en paraissant contenir à peine une nouvelle envie de rire. — Et il n’aura plus qu’un embarras… celui d’exprimer assez vivement sa tendresse à cette pauvre sœur… qu’il menaçait pourtant tout à l’heure, de ne revoir jamais, le méchant frère !…

Bien des années se sont passées depuis cet entretien jusqu’au jour où Sylvest écrit ceci ; mais il lui semble encore entendre la voix de Siomara, son accent plein de gaieté naïve, en rappelant à son frère ces souvenirs de leur enfance… Il lui semble voir encore cette adorable figure, d’une expression à la fois si ingénue, si sincère… Il crut donc aux paroles de sa sœur… il se confirma dans cette pensée :