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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/167

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qu’il s’agissait de mystères impénétrables à sa raison… Ces mystères, Siomara devait, selon sa promesse, les éclaircir, et prouver à son frère qu’elle ne déméritait en rien de sa tendresse… Il s’abandonna donc de nouveau à ce doux besoin de remémorance des seules années de bonheur qu’il eût jamais connues et partagées avec sa sœur, au sein de sa famille, alors heureuse et libre !… Se rapprochant de Siomara, il prit ses deux mains entre les siennes, et tâchant de sourire comme elle au ressouvenir de leurs jeux enfantins, il lui dit :

— Sylvest accepte les conditions de la petite Siomara… Il ne fera plus de questions… Que sa sœur l’interroge, il répondra…

Siomara, serrant non moins tendrement entre ses mains les mains de son frère, lui dit d’une voix touchante et attristée, comme si elle eût attendu d’avance une sinistre réponse :

— Sylvest… et notre père… ?

— Mort… mort par un affreux supplice…

De grosses larmes coulèrent des yeux de la courtisane, et, après un sombre silence, elle reprit :

— Et il y a longtemps que notre père a été ainsi supplicié ?

— Trois ans après avoir été fait esclave comme nous, après la bataille de Vannes…

— Je me rappelle notre douleur lorsque nous avons été séparés l’un de l’autre, à la vue de mon père chargé de chaînes, faisant un effort surhumain pour accourir à notre secours… Mais toi, frère, qu’es-tu devenu ? Tu n’as donc pas été séparé de lui ?

— Non… Son maître m’a aussi acheté, pour peu de chose, je crois… Notre père s’étant montré de race indomptable… on a craint que le louveteau ne devînt loup.

— Et dans quelle contrée avez-vous été emmenés tous deux ?

— Dans notre tribu… pour cultiver sous le fouet et à la chaîne… les champs de nos pères…

— Que dis-tu ?

— César, après la bataille de Vannes, avait distribué des terres à