Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/186

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Il le désigna au magistrat et ajouta :

— La belle Gauloise, ignorant que ce pendard eût volé une cassette, car personne ici n’a vu de cassette, avait été assez faible pour croire aux lamentations de ce coquin, se disant son compatriote, afin de gueuser quelque aumône… Allons, hors d’ici, gibier de potence !… Heureusement le seigneur Diavole va régler tes comptes !…

Sylvest quitta la maison de Siomara, emmené par le magistrat et par les soldats. Au dehors, il trouva son maître ; celui-ci l’attendait ; il pria le magistrat de faire à l’instant lier les mains de l’esclave, que deux soldats escorteraient jusqu’à la maison, de peur qu’il n’essayât de fuir…

Le secret désir de Sylvest commençait de s’accomplir ; il fut reconduit chez le seigneur Diavole, qui, sans prononcer un mot, marchait à côté des soldats. Ses colères froides étaient plus redoutées par ses esclaves que ses colères bruyantes. Arrivé à son logis, il dit aux deux soldats d’attendre dans le vestibule ; puis il fit entrer Sylvest dans une chambre basse, et s’y enferma seul avec lui.

Les traits de Diavole étaient pâles : de temps à autre, ses mains semblaient, malgré lui, se crisper de rage, tandis que, les sourcils froncés, l’œil féroce, les dents serrées, il regardait son esclave dans un farouche silence. Enfin, après avoir suffisamment savouré sans doute ses projets de vengeance, il dit à Sylvest, dont les mains étaient toujours garottés :

— Je t’ai attendu toute la nuit à la porte de la belle Gauloise… oui, à sa porte… moi… j’ai attendu… Que faisais-tu chez elle pendant que ton maître se morfondait dehors ?

— Je lui parlais de vous, seigneur.

— Vraiment… honnête serviteur ?… Et que lui disais-tu ?

— Je lui disais, seigneur, que couvert de dettes, ne reculant devant aucune bassesse, aucune honte… vous lui envoyiez, comme présent, une cassette d’or que vous aviez à peu près volé à un de vos amis, jeune imbécile fort riche… « Or, m’est avis, — disais-