Alors les légions s’ébranlant se sont formées en plusieurs colonnes profondes ; le passage de la rivière a commencé… Selon les ordres du chef des cent vallées, nos archers et nos frondeurs ont recommencé leur jet, tandis que les archers crétois et des frondeurs des îles Baléares, se déployant sur la rive opposée, ripostaient à nos gens.
— Mes fils, nous dit mon père en regardant du côté de la baie du Morbihan, votre frère Albinik va se battre sur mer pendant que nous nous battrons sur terre… Voyez… notre flotte a rejoint les galères romaines.
Mikaël et moi, regardant du côté que nous montrait le brenn, nous avons vu au loin nos navires aux lourdes voiles de peaux tannées, tendues par des chaînes de fer, aborder les galères romaines.
Mon père disait vrai : le combat s’engageait à la fois sur terre et sur mer… De ce double combat allait sortir l’indépendance ou l’asservissement de la Gaule. J’ai fait alors une remarque de sinistre augure : nous tous, ordinairement si babillards, si gais à l’heure de la bataille, que l’on entendait toujours sortir des rangs gaulois de plaisantes provocations à l’ennemi ou de bouffonnes saillies sur le danger, nous étions graves, silencieux, mais résolus à vaincre ou à périr.
Le signal de la bataille a été donné : les cymbales des bardes ont répondu aux clairons romains ; le chef des cent vallées, descendant de cheval, s’est mis de quelques pas en avant sur notre ligne de bataille… plusieurs druides et bardes étaient à ses côtés… Il a brandi son épée et s’est élancé en courant sur la pente rapide de la colline… Les druides et les bardes couraient du même pas que lui… faisant vibrer leurs harpes d’or… À ce signal, toute notre armée s’est précipitée à leur suite sur l’ennemi, qui, après le passage de la rivière, reformait ses cohortes.
La mahrek-ha-droad des tribus voisines de Karnak, que commandait mon père, s’élança, ainsi que le reste de l’armée, sur le versant de la colline. Mon frère Mikaël, tenant sa hache de la main droite, fut, pendant cette impétueuse descente, presque