Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

puis, lorsque les Romains, après le passage de la rivière, reformeront leurs cohortes, que toute notre ligne s’ébranle, laissant la réserve auprès des chariots de guerre ; alors les gens de pied au centre, les cavaliers sur les ailes, précipitons-nous comme un torrent du haut de cette pente rapide : l’ennemi, encore acculé à la rivière, ne résistera pas à l’impétuosité de notre premier choc !

Bientôt la colline opposée à la nôtre s’est couverte des nombreuses troupes de César. À l’avant-garde marchaient les vexillaires, reconnaissables à la peau de lion qui leur couvrait la tête et les épaules ; les vieilles cohortes renommées par leur expérience et leur intrépidité, telles que la foudroyante, la légion de fer, et bien d’autres que nous désigna le chef des cent vallées, qui avait déjà combattu les Romains, formaient la réserve. Nous voyions briller au soleil leurs armures et les enseignes distinctives des légions : un aigle, un loup, un dragon, un minotaure et autres figures de bronze doré, ornée de feuillages… Le vent nous apportait les sons éclatants de leurs longs clairons… Nos cœurs bondissaient à cette musique guerrière. Une nuée de cavaliers numides, enveloppés de longs manteaux blancs, précédaient l’armée. Elle a fait halte un moment, un grand nombre de ces Numides sont arrivés à toute bride au bord opposé de la rivière, ils y sont entrés à cheval, afin de s’assurer qu’elle était guéable, et se sont approchés, malgré la grêle de pierres et de flèches que faisaient pleuvoir sur eux nos frondeurs et nos archers. Aussi avons-nous vu plus d’un manteau blanc flottant sur le courant de la rivière, et, plus d’un cheval sans cavalier gravir la berge et retourner vers les Romains. Cependant, plusieurs Numides, malgré les pierres et les traits qu’on leur lançait, traversèrent plusieurs fois la rivière dans toute sa largeur, montrant ainsi tant de bravoure, que nos archers et nos frondeurs cessèrent leur jet d’un commun accord, afin d’honorer cette outre-vaillance. Le courage nous plaît dans nos ennemis ; ils en sont plus honorables à combattre. Les Numides, certains d’un passage à gué, coururent porter cette nouvelle à l’armée romaine…