Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/223

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La courtisane ramassa le bouquet, l’approcha de ses lèvres à son tour, puis, le plaçant au pied d’une des gigantesques statues de marbre qui décoraient les niches profondes du mur d’enceinte de l’arène, elle jeta un dernier regard à son frère, revint auprès de Mont-Liban, et lui dit impatiemment :

— Mon épée… mon épée !

Le gladiateur, cette fois, ne refusa pas l’arme à la courtisane.

Il lui mit au contraire l’épée dans la main avec un affreux sourire.

Sylvest devina tout… il avait été témoin des protestations d’amour de Mont-Liban pour Siomara ; mais, du moment où, dans l’espoir d’obtenir la liberté de l’esclave, elle eut si impudiquement provoqué Diavole, les traits de Mont-Liban, d’abord aussi troublés qu’attendris, devinrent soudain effrayants de jalousie et de férocité ; tandis que Faustine, immobile comme un spectre, son poing gauche sur la hanche, la pointe de son épée appuyée sur le bout de sa sandale, souriait d’un air de triomphe sinistre…

Plus de doute pour Sylvest : un des deux glaives offerts par le gladiateur était enchanté, grâce aux maléfices de Siomara… D’accord avec elle, Mont-Liban connaissait l’arme magique… Mais son trouble éclairant Faustine, elle avait refusé l’épée qu’il lui offrait, pour prendre l’autre, presque malgré lui. Autant ce choix avait d’abord épouvanté le gladiateur pour Siomara, autant il devait s’en réjouir, à cette heure que son amour pour la courtisane se changeait en haine furieuse par jalousie de Diavole.

À peine Siomora eut-elle pris l’épée, qu’à demi-voix elle dit à Faustine :

— Es-tu prête ?

— Je suis prête, — répondit la grande dame qui ajouta à demi-voix, mais assez haut pour que Sylvest l’entendit : — Tu te rappelles nos conditions ?

— Oui.

— À moi Mont-Liban si je te tue… À toi si tu me tues !