Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/224

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— Oui…

— Morte ou vive, tu m’appartiendras, Siomara, si tu ne peux continuer le combat après une première blessure.

— Et si je te tue, Faustine, nulle autre que moi n’entrera dans ton tombeau pour la veillée de mort ?

— Non… j’en ai donné l’ordre, et je t’ai remis les clefs du sépulcre de ma famille.

— Allons, noble Faustine…

— Allons, belle Siomara…

Et, sur un signe de Mont-Liban, les deux jeunes femmes se précipitèrent l’une sur l’autre, l’arme haute, Siomara toujours souriante et comme certaine de son triomphe, Faustine le regard implacable, mais confiante aussi, car au premier choc des épées, celle de la courtisane se rompit entre ses mains au ras de la poignée.

À ce moment, Sylvest ne put retenir un cri ; il vit la grande dame, poussant un éclat de rire féroce, plonger son épée dans le flanc de Siomara en s’écriant :

— À toi… la fausse sorcière de Thessalie !

La blessure était grave, mortelle peut-être. La courtisane abandonna la poignée de son arme, tomba sur les genoux, jeta un dernier regard vers Sylvest, et cria d’une voix défaillante :

— Pauvre frère !

Puis elle roula renversée sur le sable, tandis que son casque, se détachant, laissait nue sa tête blonde, et que le sang, coulant à flots de sa blessure, rougissait les mailles d’argent de la résille qui lui servait de cuirasse.

Faustine, rugissant de joie, se précipita sur sa rivale comme une tigresse sur sa proie, et, la fureur, la haine doublant ses forces, elle l’enlaça de ses bras frêles et nerveux, la souleva de terre, l’emporta comme elle eût emporté un enfant, en jetant d’une voix éclatante ces derniers mots au gladiateur :

— Mont-Liban, je vais t’attendre au temple du canal !