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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/227

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rène, devaient en ce moment être attachés sur Diavole et ses amis, alors sans doute expirants, par la violence du poison, aux regards de la foule étonnée ; le corps immense de l’éléphant, acculé à l’une des niches du mur, la cachait en partie ; à tout hasard, et au risque d’être découvert plus tard, Sylvest, après s’être glissé sous le ventre de l’éléphant, au lieu de saisir une de ses jambes de derrière, passa entre elles, monta sur le soubassement de la niche, et parvint à se blottir derrière une statue de marbre deux fois haute comme lui, et, par bonheur, représentant une femme amplement drapée…

À peine fut-il caché là, que les rumeurs de l’amphithéâtre s’apaisèrent et qu’il entendit ces mots :

— Voici les médecins… Emportez ces mourants ; leur agonie interrompt la fête…

Sans doute on transporta hors de la galerie Diavole et ses amis expirants, car peu à peu le silence se rétablit, silence bientôt troublé par le rugissement croissant des bêtes féroces, revenues de leur première surprise…

Le carnage commença ; au milieu des grondements des animaux, des cris de douleur de quelques esclaves déjà tombés sous la dent des tigres et des lions, des imprécations des victimes non encore atteintes, dont quelques-unes, folles de terreur, demandaient grâce aux animaux furieux… çà et là retentissait encore la voix éclatante des Enfants du Gui, chantant jusque sous l’ongle des bêtes féroces :

Coule… coule… sang du captif !… — Tombe… tombe, rosée sanglante !… — Germe… grandis, moisson vengeresse !…

De temps à autre, du fond de sa cachette, que ne masquait plus la masse de l’éléphant, alors au milieu de l’arène, Sylvest voyait bondir un tigre ou un lion à la poursuite d’un esclave, qu’ils abattaient en le saisissant entre leurs pattes dont les grilles faisaient aussitôt jaillir des jets de sang en s’enfonçant dans les chairs ; puis, accroupis ou allongés sur leur proie, ils la dévoraient ou la mettaient en lambeaux…