Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/226

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paraître, après avoir emporté le cadavre de Mont-Liban, et fermé, au moyen de portes garnies de barreaux de fer, les deux entrées du nord et du midi.

Le moment du supplice arrivé, Sylvest résolut de mourir vaillamment avec ses compagnons, et s’écria :

Enfants du Gui ! voulez-vous mourir en dignes fils de la vieille Gaule ?

— Oui… oui, répondirent de nombreuses voix.

— Frères, répétez comme moi en face de la mort :

« Coule… coule, sang du captif !… — Tombe… tombe, rosée sanglante !… — Germe… grandis, moisson vengeresse !… »

Et les Enfants du Gui, ainsi que les autres esclaves gaulois, ayant Sylvest à leur tête, se précipitèrent dans l’arène en chantant dans leur langue natale et d’une voix retentissante ce refrain du barde…

Ces chants éclatants, l’apparition de cette troupe d’hommes, étonnèrent d’abord les animaux… Profitant de leur hésitation et se souvenant des conseils du guichetier, Sylvest, voyant à quelques pas de lui l’éléphant acculé à l’une des niches du mur d’enceinte ornées de grandes statues de marbre, donna une dernière pensée à sa femme Loyse, et aussi à Siomara, courut droit à l’éléphant, et, dans l’espoir d’être bientôt piétiné, écrasé par lui, se jeta à plat ventre, rampa sous l’animal énorme, afin d’embrasser de ses deux bras un de ses pieds monstrueux.

À cet instant s’élevèrent, du côté de la galerie où se tenaient Diavole et ses amis, des cris d’abord voilés, puis de plus en plus lamentables, parmi lesquels il distingua la voix de son maître… À ces cris se joignit un tumulte extraordinaire dans l’amphithéâtre ; aussitôt une pensée traversa comme l’éclair l’esprit de Sylvest… pensée lâche, il l’avoue, car il voulait tenter d’échapper au supplice que ses compagnons allaient subir ; mais cette pensée lui venait avec le souvenir de sa femme et de son enfant…

Les yeux de tous les spectateurs, au lieu d’être tournés vers l’a-