Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/231

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cieux, tournoyaient très-près de terre ; deux ou trois fois il sentit en frissonnant le vent de leurs ailes sur son front ; il fut plusieurs fois heurté, presque renversé, par des corps velus et rapide qui passaient auprès de lui… C’étaient sans doute les magiciennes, venant, sous forme d’animaux inconnus, chercher des débris sanglants pour leurs sortilèges… Peut-être Siomara, échappée par magie au pouvoir de Faustine, se trouvait-elle parmi ces monstres…

L’esclave, ayant marché sur une épée abandonnée par un gladiateur, la ramassa ; elle était courte et acérée ; il s’en arma, atteignit enfin la sortie du nord, suivit une longue voûte, et se trouva bientôt hors de l’enceinte extérieure de l’amphithéâtre, situé dans le faubourg d’Orange. Il n’avait qu’une demi-heure de trajet pour se rendre chez Faustine ; il précipita sa marche, arriva, escalada le mur du parc, comme d’habitude, à l’aide de sa perche, et courut à l’extrémité du canal, où il osait à peine espérer de rencontrer encore Loyse, la nuit étant déjà très-avancée.

Bonheur des cieux ! le pauvre esclave a aussi ses moments de joie. À peine Sylvest eut-il fait quelques pas sur la terrasse du canal, qu’il reconnut la voix de sa femme disant :

— Sylvest ! Sylvest ! est-ce toi ?…

L’esclave ne répondit rien… Il se jeta en sanglotant dans les bras de Loyse, sans trouver un mot à lui dire… Il la tint longtemps embrassée, la couvrant de larmes et de baisers…

— Tu pleures… — reprit-elle enfin avec angoisse. — Un malheur te menace ?…

— Non, oh ! non… Loyse… les dieux nous sont secourables… mais nous n’avons pas un instant à perdre ; le jour va bientôt paraître… Veux-tu risquer les chances d’une fuite ? Elles sont terribles ! mais nous les braverons ensemble…

— Sylvest, plus d’une fois je t’ai proposé de fuir… tu as refusé…

— Oui… mais maintenant j’accepte : tu sauras pourquoi. Auras-tu la force de m’accompagner, femme bien-aimée ?