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LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

— Vraiment, — reprit le mari de Jeane d’un air ironique ; — et voyons donc cette belle figure !

— Lorsque Jésus de Nazareth dit que ceux qui le suivront aurons pour le présent cent fois plus qu’ils n’ont abandonné, il entend par là, ce me semble, que la conscience de prêcher la bonne nouvelle, l’amour du prochain, la tendresse pour les faibles et les souffrants, compensera au centuple le renoncement que l’on se sera imposé.

Ces sages et douces paroles de Jeane furent très-mal accueillies par les convives de Ponce-Pilate, et le prince des prêtres s’écria :

— Je plains votre femme, seigneur Chusa, d’être comme tant d’autres, aveuglée par le Nazaréen. Il s’agit tellement pour lui des biens matériels, que voici quelque chose de bien plus fort : il a l’audace d’envoyer ces vagabonds, qu’il appelle ses disciples, s’établir et manger à bouche que veux-tu dans les maisons, sans rien payer, sous prétexte d’y prêcher ses abominables doctrines.

— Comment ! mes seigneurs, — reprit Grémion, — dans votre pays, de telles violences sont possibles et demeurent impunies ?… Des gens viennent chez vous s’établir de force, et y boire, y manger, sous le prétexte d’y pérorer !

— Ceux qui reçoivent les disciples du jeune maître de Nazareth, — reprit Jeane, — les reçoivent volontairement.

— Oui, quelques-uns, — reprit Jonas ; — mais le plus grand nombre de ceux qui hébergent ces vagabonds cèdent à la menace ; car, d’après les ordres du Nazaréen, ceux qui refusent d’héberger ces fainéants vagabonds sont voué par eux au feu du ciel[1].

  1. Et Jésus dit à ses disciples :

    « Allez, je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ; ne portez ni sac ni bourse, ni souliers, et ne saluez personne en chemin… En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : — Que la paix soit dans cette maison ! et s’il s’y trouve quelque enfant de la paix, votre paix reposera sur lui, sinon elle reviendra sur vous. — Demeurez en la même maison, buvant et mangeant tout ce qui s’y trouvera, car celui qui travaille mérite sa récompense. — Mais si vous entrez dans une ville, et que l’on ne vous y reçoive point, allez dans les rues et dites : — Nous secouons contre vous la pous-