Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/268

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

tie est non moins infectée que la populace par les détestables doctrines du Nazaréen, nous ne répondons pas de la paix publique, et un soulèvement populaire contre vos propres troupes est possible.

— Oh ! quant à cela, — reprit en riant Ponce-Pilate, — vous me trouveriez le premier, casque en tête, cuirasse au dos, épée au poing, si le Nazaréen osait ameuter la populace contre mes troupes ; quant au reste, par Jupiter ! démêlez vous-mêmes votre écheveau, s’il est embrouillé, mes seigneurs ; ces affaires intérieures vous concernent seuls, vous autres sénateurs de la cité. Arrêtez ce jeune homme, emprisonnez-le, crucifiez-le, s’il le mérite ; c’est votre doit, usez-en ; moi, je représente ici l’empereur, mon maître ; tant que son pouvoir n’est pas attaqué, je ne bouge pas.

— Et d’ailleurs, seigneur procurateur, — reprit Jeane, — le jeune maître de Nazareth n’a-t-il pas dit : Rendez à Dieu ce qui est à Dieu, et à César ce qui est César ?

— C’est vrai, noble Jeane, — répondit Ponce-Pilate, — et il y a loin de là à vouloir insurger le peuple contre le Romain.

— Mais ne voyez-vous donc pas, seigneur, — s’écria le docteur Baruch, — que ce fourbe agit ainsi par hypocrisie pour ne pas éveiller vos soupçons, et que, l’heure venue, il appellera la populace aux armes ?

— Alors, mes seigneurs, — reprit Ponce-Pilate en vidant de nouveau sa coupe, — le Nazaréen me trouvera prêt à le recevoir à la tête de mes cohortes ; mais, jusque-là, je n’ai rien à voir dans vos démêlés.

À ce moment, un officier romain entra tout effaré et dit à Ponce-Pilate :

— Seigneur procurateur, il vient d’arriver ici une nouvelle étrange.

— Laquelle ?

— Une grande émotion populaire est causée par… Jésus de Nazareth…