Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/27

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licencieux qu’ils jetaient sur les Gauloises, je ne doutais pas du sort qui les attendait… Et j’étais là, brisé, inerte, haletant, plein de désespoir, d’épouvante et de rage impuissante, voyant à quelques pas de moi ce char, où étaient ma mère, ma femme, mes enfants !… Courroux du ciel ! Ainsi que celui qui ne peut se réveiller d’un rêve épouvantable, j’étais condamné à tout voir, à tout entendre, et à rester immobile…

Un officier, d’une figure insolente et farouche, s’est avancé seul vers le char, et s’adressant aux Gauloises en langue romaine, il leur a dit des paroles que les autres soldats ont accueillies par des rires insultants… Ma mère, calme, pâle, redoutable, m’a paru recommander aux jeunes femmes, rassemblées autour d’elle, de ne pas s’émouvoir. Alors le Romain, ajoutant quelques mots, les a terminés par un geste obscène… Margarid tenait à ce moment une lourde hache… Elle l’a lancée si droit à la tête de l’officier, qu’il a tournoyé sur lui-même et est tombé… Sa chute a donné le signal de l’attaque : ses soldats se sont élancés pour assaillir le char… Les Gauloises se précipitant alors sur les faux qui de chaque côté défendaient le chariot, les ont fait jouer avec tant de vigueur et d’ensemble, qu’après avoir vu tuer ou mettre hors de combat un grand nombre des leurs, les Romains, un moment effrayés des ravages de ces armes terribles si intrépidement manœuvrées, ont suspendu l’attaque… Mais bientôt, se servant, en guise de leviers, des longues lances des légionnaires, ils sont parvenus à briser les manches des faux, en se tenant hors de leur atteinte… Cette armature anéantie, un nouvel assaut allait commencer : l’issue n’était plus douteuse… Pendant que les dernières faux tombaient brisées sous les coups des soldats, j’ai vu ma mère parler à Hénory et à Martha, épouse de Mikaël… Toutes deux ont couru vers le réduit où étaient abrités nos enfants. J’ai frémi malgré moi en voyant l’air farouche et inspiré de ma femme et de Martha en allant vers ce réduit. Margarid a aussi parlé aux trois jeunes femmes qui n’avaient pas d’enfants, et celles-ci, ainsi que les