Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/298

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que votre frère était mort, et il est ressuscité ; il était perdu, et il est retrouvé[1]. »

Tous ceux qui étaient là parurent touchés jusqu’aux larmes de ce récit ; le fils de Marie s’étant tu pour boire un verre de vin que lui versait Judas, son disciple, Banaïas, qui l’avait écouté avec une profonde attention, s’écria :

— Notre ami, sais-tu que c’est là un peu mon histoire, et beaucoup celle de tant d’autres ?… Car, si, après ma première faute de jeunesse, mon père avait imité le père de ta parabole et m’eût tendu les bras en signe de pardon, au lieu de me chasser du logis à grands coups de bâton, je serais peut-être à cette heure assis à mon honnête foyer, au milieu de ma famille, tandis qu’aujourd’hui j’ai pour foyer le grand chemin, pour femme la misère, et pour enfants les mauvais desseins, fils de cette mère, la misère à l’œil farouche… Ah ! pourquoi n’ai-je pas eu pour père l’homme de ta parabole.

— Ce père indulgent a pardonné, — reprit Oliba la courtisane, — parce qu’il sait que Dieu ayant donné la jeunesse à ses créatures, parfois elles en abusent ; mais celles-là qui, flétries, misérables et repentantes, reviennent humblement demander la moindre place à la maison paternelle, celles-là, loin de les repousser, ne doit-on pas les accueillir avec miséricorde ?

— Moi, — reprit une autre voix, — je ne donnerais pas un pépin de ce frère aîné, de cet homme de bien, si rauque, si rêche et si jaloux, à qui la vertu n’a rien coûté.

Geneviève entendit l’un des deux émissaires des pharisiens dire à son compagnon :

— Le Nazaréen flatte-t-il assez dangereusement les mauvaises passions de ces vagabonds !… Désormais tout fainéant débauché qui aura quitté la maison paternelle va se croire en droit d’envoyer son père à Belzébuth si ce père, mal avisé, au lieu de tuer le veau gras, chasse

  1. Évangile selon saint Luc, ch. XV, v. 1-32.