Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/299

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de chez lui, comme il le doit, ce fils scélérat, que la faim seule ramène au bercail.

— Oui… Et tous les jeunes gens sages et honnêtes passeront pour des gens à cœur sec et jaloux.

Et cet homme reprit tout haut, croyant que personne ne saurait qui parlait ainsi :

— Gloire à toi, Jésus de Nazareth, gloire à toi, le protecteur, le défenseur de nous autres, dissipateurs et prostituées ! Folie d’être vertueux et sages, puisqu’on doit tuer le veau gras pour les débauchés !

De grands murmures accueillirent ces paroles de l’émissaire des pharisiens ; tous se retournèrent du côté où elles avaient été prononcées ; des menaces se firent entendre.

— Hors d’ici ces gens au cœur inexorable !

— Oh ! ils sont sans pitié, sans entrailles, ces gens que le repentir ne touche pas, — dit la courtisane Oliba, — ces corps glacés, qui ne comprennent pas que chez d’autres le sang bouillonne !

— Que celui qui a ainsi parlé se montre, — s’écria Banaïas en frappant sur la table avec son lourd bâton ferré d’un air menaçant ; — oui, qu’il nous montre sa vertueuse face, ce scrupuleux, plus sévère que notre ami de Nazareth, le frère des pauvres, des affligés et des malades, qu’il soutient, guérit et console !… Par l’œil de Zorobabel ! je voudrais bien le voir en face, ce blanc agneau sans tache, qui vient de nous bêler ses vertus… Où est-il donc, ce lis immaculé de la vallée des hommes ! Il doit flairer le bien comme un vrai baume, — ajouta Banaïas en ouvrant ses larges narines ; — et, par le nez du Malachie ! je ne sens point du tout, cet aromate de sagesse, ce parfum d’honnêteté, qui devrait trahir cet odorant vase d’élection caché parmi nous autres pauvres pécheurs.

Cette plaisanterie de Banaïas fit beaucoup rire l’assistance, et celui des deux émissaires qui avait ainsi attaqué les paroles du fils de Marie ne parut pas empressé de se rendre au désir du redoutable ami du Nazaréen ; il feignit, au contraire, ainsi que son compagnon, de cher-