Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/304

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se tourna vers Simon l’un de ses disciples, et s’adressant à lui :

— Simon, j’ai quelque chose à vous dire…

— Maître, dites…

— « Un créancier avait deux débiteurs ; l’un lui devait cinq cents deniers, l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi le payer, il leur remit à tous deux leur dette ; dites-moi donc lequel des deux l’aimera davantage ? »

Simon répondit :

— Maître, je crois que ce sera celui auquel il aura été remis une plus grosse somme.

— Vous avez, Simon, bien jugé.

Et se tournant vers la riche courtisane agenouillée, Jésus dit à ses assistants :

— Voyez-vous cette femme ? « Je vous déclare que beaucoup de péchés lui seront remis, parce qu’elle a beaucoup aimé ! »

Alors il dit à Madeleine d’une voix remplie de tendresse et de pardon :

« — Vos péchés vous sont remis… votre foi vous a sauvée ; allez en paix[1]. »

— Abomination de la désolation ! — dit à demi-voix l’émissaire des pharisiens à son compagnon. — Peut-on pousser plus loin l’audace et la démoralisation ? Voici que ce Nazaréen pardonne tout ce que l’on blâme, absout tout ce que l’on punit, relève tout ce que l’on flétrit ; après avoir réhabilité les débauchés, les prodigues, le voilà maintenant qui réhabilite les infâmes courtisanes !

— Et pourquoi ? — reprit l’autre émissaire ; — afin de toujours flatter les vices et les détestables passions des scélérats dont il s’entoure, afin de s’en faire un jour des instruments…

— Mais patience, — reprit l’autre, — patience, Nazaréen, ton heure approche ; ton audace toujours croissante t’attirera bientôt un châtiment terrible !

  1. Évangile selon saint Luc, ch. VIII, v. 41-50.