Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/303

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de ses doubles colliers, de ses boucles d’oreilles et des bracelets dont étaient couverts ses beaux bras nus, entre lesquels, s’avançant lentement vers le jeune maître, elle portait une urne d’albâtre rose de Chalcédoine plus précieux que l’or…

— Quel changement dans les traits de Madeleine ! — dit Jeane à Aurélie ; — je l’ai vue vingt fois passer dans sa litière, portée par ses serviteurs vêtus de riches livrées ; le triomphe de la beauté, l’ivresse et la joie de la jeunesse se lisaient sur ses traits… Et la voici qui s’approche timidement de Jésus, humble, accablée, pleurante, et plus triste que la plus triste de ces pauvres femmes qui tiennent entre leurs bras leurs enfants en haillons…

— Mais que fait-elle ? — reprit Aurélie de plus en plus attentive. — La voilà debout devant le jeune homme de Nazareth ; d’une main elle tient son urne d’albâtre serrée contre son sein agité, tandis que de son autre main elle détache son riche turban. Elle le jette loin d’elle. Sa noire et épaisse chevelure, tombant sur sa poitrine et sur ses épaules, se déroule comme un manteau de jais et traîne jusqu’à terre…

— Oh ! voyez… voyez, ses larmes redoublent, — dit Jeane, — son visage en est inondé…

— Elle s’agenouille aux pieds du fils de Marie, — reprit Aurélie, — les couvre de pleurs et de baisers.

— Quels sanglots déchirants !…

— Et les larmes qu’elle verse sur les pieds de Jésus… elle les essuie avec ses longs cheveux[1].

— Et voici que, fondant toujours en pleurs, elle prend son urne d’albâtre et verse aux pieds de Jésus un parfum délicieux, dont la senteur vient jusqu’ici.

— Le jeune maître veut la relever… elle résiste… Elle ne peut parler, ses sanglots brisent sa voix ; elle courbe son front jusque sur le pavé…

Alors Jésus, dont l’attendrissement semblait se contenir à peine,

  1. Évangile selon saint Luc, ch. VIII, v. 37-38.