Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/327

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Élevée dans la foi druidique que sa mère lui avait pour ainsi dire transmise avec la vie, Geneviève n’en avait pas moins de confiance dans les préceptes du fils de Marie, quoiqu’il professât une autre religion que celle des druides, toujours proscrits et vénérés dans la Gaule. D’ailleurs, Jésus croyait, disait-on, ainsi que les druides, qu’en sortant de ce monde-ci, on allait revivre ailleurs en âme et en chair, puisque, selon sa religion, il parlait de la résurrection des morts[1]. Enfin, malgré la sublimité de la foi druidique, qui délivrait l’homme de la crainte de mourir en lui apprenant que l’on ne mourait jamais, Geneviève ne trouvait pas, dans les préceptes de la religion gauloise, ce sentiment tendre, fraternel, miséricordieux, dont les paroles du jeune homme de Nazareth étaient si souvent empreintes.

L’esclave se livrait à ces réflexions, lorsqu’elle vit s’ouvrir la porte de la cave où elle était enfermée ; Grémion, son maître, revenait accompagné de deux hommes : l’un tenait un paquet de cordes, l’autre un fouet à lanières.

Geneviève n’avait jamais vu ces hommes ; ils portaient un vêtement étranger.

Le seigneur Grémion descendit les premières marches de l’escalier et dit à Geneviève :

— Déshabille-toi…

L’esclave regarda son maître avec autant de surprise que d’effroi, croyant à peine à ce qu’elle entendait. Il reprit :

— Déshabille-toi… sinon ces hommes, les valets du bourreau de

  1. Les paroles suivantes de l’Evangile prouvent que la métempsycose du Christ avait une affinité profonde avec l’antique croyance druidique, dont le dogme fondamental était, nous l’avons dit, la foi à la renaissance et à l’immortalité de la vie matérielle ; or, selon saint Luc l’évangéliste, Jésus-Christ renaît, non pas en esprit seulement, mais en chair et en os, ainsi qu’aurait pu le dire le plus fervent adepte de la foi druidique :
    « Avancez vos mains, dit Jésus à ses disciples après son retour à la lumière, et considérez-moi bien : je ne suis point un esprit, car un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en possède ; et, pour mieux vous le prouver encore, donnez-moi des aliments, afin que j’en mange devant vous. » (Luc, ch. XXIV, v.. 37, 42)