Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/332

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— Hélas ! s’il en est ainsi, quel service pourrai-je lui rendre ?

— Écoute encore… voici ce que Jeane m’a dit ce soir : « C’est en nous rendant chez vous, chère Aurélie, que mon mari m’a appris avec une joie cruelle le malheur dont est menacé Jésus. Sachant que, surveillée comme je le suis, je n’ai aucun moyen de le faire prévenir, car nos serviteurs redoutent tellement le seigneur Chusa, que, malgré mes prières ou des offres d’argent, aucun n’oserait sortir de la maison pour aller à la recherche du fils de Marie et l’avertir du danger ; d’ailleurs la soirée s’avance ; une idée m’est venue : votre esclave Geneviève paraît avoir autant de courage que de dévouement… Ne pourrait-elle pas nous servir en cette circonstance ?… » J’ai aussitôt appris à Jeane la cruelle vengeance que mon mari avait exercée sur toi ; mais Jeane, loin de renoncer à son projet, m’a demandé où Grémion mettait la clef de ta prison. — Sous son chevet, lui ai-je répondu. — Tâchez de la prendre pendant qu’il dormira, m’a dit Jeane. — Si vous réussissez à vous en emparer, allez délivrer Geneviève ; il vous sera facile de la faire ensuite sortir du logis ; elle ira vite à la taverne de l’Onagre, et là, peut-être, on lui dira où se trouve le jeune maître.

— Oh ! chère maîtresse ! — s’écria Geneviève, — je n’oublierai jamais la confiance que vous et votre amie vous avez en moi. Tâchons d’ouvrir à l’instant la porte de la maison.

— Un moment encore ; car, enfin, avant de te décider, il faut songer à la colère de mon mari. Ce n’est pas pour moi que je la redoute, mais pour toi… Lorsque tu reviendras ici, pauvre Geneviève, juge, d’après ce que tu as souffert, ce que tu aurais à souffrir encore !

— Ne pensons pas à moi !

— Nous y avons pensé, au contraire. Écoute encore : La nourrice de mon amie demeure près de la porte Judiciaire ; elle vend des étoffes de laine et s’appelle Véronique, femme de Samuel… Te rappelleras-tu ces noms ?

— Oui, oui ; Véronique, femme de Samuel, marchande d’étoffes