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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/42

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J’ai réprimé un mouvement de vaine colère contre cet infâme vieillard… et j’ai répondu :

— Oui, on aurait mis en vente le taureau et la taure… le taurin et la taurine ?…

— Certainement ; puisque César va distribuer vos terres dépeuplées à grand nombre de ses vétérans, ceux d’entre eux qui ne se sont pas réservé de prisonniers seront obligés d’acheter des esclaves pour cultiver et repeupler leurs lots de terre, et justement tu es de race rustique et forte ; c’est ce qui fait mon espoir de te bien vendre.

— Écoute-moi… j’aimerais mieux savoir mon fils et ma fille tués comme leur mère, que réservés à l’esclavage… Cependant, puisque l’on a trouvé sur nos chariots quelques enfants ayant survécu à la mort, et cela m’étonne, car la Gauloise frappe toujours d’une main ferme et sûre, lorsqu’il s’agit de soustraire sa race à la honte !… il se peut que mon fils et ma fille soient parmi les enfants que l’on vendra bientôt… Comment pourrai-je le savoir ?…

— À quoi bon savoir cela ?

— Afin d’avoir du moins avec moi mes deux enfants…

Le maquignon se prit à rire, haussa les épaules et me répondit :

— Tu ne m’as donc pas entendu ?… Eh ! par Jupiter ! ne t’avise pas d’être sourd… ce serait un cas rédhibitoire… Je t’ai dit que je n’achète ni ne vends d’enfants, moi…

— Que me fait cela ?

— Cela fait que, sur cent acheteurs d’esclaves de travail rustique, il n’y en aurait pas dix assez fous pour acheter un homme seul avec ses deux enfants sans leur mère… Aussi te mettre en vente avec tes deux petits, s’ils vivent encore, ce serait m’exposer à perdre la moitié de ta valeur, en grevant ton acheteur de deux bouches inutiles… Me comprends-tu… crâne épais ?… Non, car tu me regardes d’un air farouche et hébété… Je te répète que j’aurais été obligé d’acheter deux enfants avec toi dans un lot, ou bien on me les eût donnés par-dessus le marché en réjouissance, comme le vieux Perce-Peau, que