Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/72

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entraves, je me suis élancé hors de ma loge, et, en deux bonds, sautés à pieds joints, je suis tombé comme la foudre sur le noble seigneur Trymalcion… Il a du choc roulé sous moi ; alors, faute de la liberté de mes mains pour l’étrangler, je l’ai mordu au visage… où j’ai pu… à la joue, je crois, près du cou… et puis je n’ai plus démordu… Les maquignons, leurs gardiens, se sont jetés sur nous ; mais, pesant de tout mon poids sur ce hideux vieillard qui poussait des hurlements, je n’ai pas démordu… Le sang de ce monstre m’inondait la bouche… on a frappé sur moi à coups de fouet, à coups de bâton, à coup de pierre… je n’ai pas démordu, je n’ai pas plus quitté ma proie que notre vieux dogue de guerre, Deber-Trud, le mangeur d’hommes, ne quittait la sienne… Non… et ainsi que lui, je n’ai démordu qu’en emportant un lambeau de la chair du riche et noble seigneur Trymalcion, lambeau sanglant que j’ai craché à sa face hideuse, livide, agonisante, comme il avait craché sur les captives gauloises.

— Père ! père !… — me criais-tu pendant ce temps-là, toi. Alors, voulant me rapprocher de vous deux, mes enfants, je me suis redressé effrayant… oui, effrayant… car, pendant un moment, un cercle d’épouvante s’est fait autour de l’esclave gaulois chargé de fers.

— Père !… père !… — t’es-tu encore écrié en tendant vers moi tes petits bras, malgré le gardien qui te retenait. J’ai fait un bond vers toi ; mais aussitôt le marchand, monté sur la cage où vous aviez été renfermés, mes enfants, m’a jeté à l’improviste une couverture sur la tête ; l’on m’a en même temps saisi par les jambes : j’ai été renversé, garrotté de mille liens… la couverture, dont j’avais la tête et les épaules enveloppées, a été liée autour de mon cou, et, dans cette couverture, les bourreaux ont pratiqué un trou qui me permit malheureusement de respirer… car j’espérais étouffer…

J’ai senti que l’on me transportait dans notre loge, où l’on m’a jeté sur la paille, mis hors d’état de faire un mouvement ; puis, assez longtemps après cela, j’ai entendu le centurion, mon nouveau