Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/235

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lui ! Hésus m’en est témoin ! Si j’avais reconnu votre fils, ô ma sœur ! je l’aurais maudit, mais mon épée serait tombée à mes pieds…

Victoria m’a regardé silencieuse… Mes paroles ont paru la soulager d’un grand poids en lui apprenant que j’avais tué son fils sans le reconnaître ; elle m’a tendu vivement la main ; j’y ai porté mes lèvres avec respect… Pendant quelque temps nous sommes restés muets ; puis elle a dit à la sœur d’Ellèn :

— Sampso, vous étiez ici cette nuit ? Parlez, je vous prie… que s’est-il passé ?…

— Il était minuit, — répondit Sampso d’une voix oppressée, — depuis deux heures Scanvoch nous avait quittées pour se mettre en route ; je reposais ici auprès de ma sœur… j’ai entendu frapper à la porte de la maison… j’ai jeté un manteau sur mes épaules… Je suis allée demander qui était là : une voix de femme, à l’accent étranger, m’a répondu…

— Une voix de femme ? — lui dis-je avec un accent de surprise que partageait Victoria ; — une voix de femme vous a répondu, Sampso ?

— Oui, c’était un piège ; cette voix m’a dit : « Je viens de la part de Victoria donner à Ellèn, femme de Scanvoch, parti depuis deux heures, un avis très-important. »

Victoria et moi, à ces paroles de Sampso, nous avons échangé un regard d’étonnement croissant ; elle a continué :

— N’ayant aucune défiance contre la messagère de Victoria, je lui ai ouvert… Aussitôt, au lieu d’une femme, un homme s’est présenté devant moi, m’a repoussée violemment dans le couloir d’entrée, et a verrouillé la porte en dedans… À la clarté de la lampe, que j’avais déposée à terre, j’ai reconnu Victorin… Il était pâle, effrayant… il pouvait à peine se soutenir sur ses jambes, tant il était ivre…

— Oh ! le malheureux ! le malheureux ! — me suis-je écrié ; — il n’avait plus sa raison ! Sans cela jamais… oh ! non, jamais… il n’eût commis pareil crime !…