Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 3.djvu/30

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— Ce séditieux qui ameutait les gueux contre les riches !

— Cet impie qui blasphémait notre sainte religion !

— Cet audacieux qui portait le trouble dans nos familles en glorifiant les fils prodigues et débauchés, — dit un des deux émissaires qui avait suivi la troupe !

— Cet infâme qui voulait pervertir nos épouses, — dit l’autre émissaire, — en glorifiant l’adultère, puisqu’il a arraché une de ces indignes pécheresses au supplice qu’elle méritait !

— Grâce au Seigneur, — ajouta un vendeur d’argent, — si ce Nazaréen est mis à mort, ce qui sera justice, nous pourrons aller rouvrir nos comptoirs sous la colonnade du Temple, dont ce profanateur et sa bande de vagabonds nous avaient chassés, et où nous n’osions retourner.

— Combien nous étions fous de craindre son entourage de mendiants ! — ajoutait un autre ; — voyez si l’un d’eux a seulement osé se révolter pour défendre ce Nazaréen, par le nom duquel ils juraient sans cesse… Lui qu’ils appelaient leur ami !

— Qu’on en finisse donc avec cet abominable séditieux ! Qu’on le crucifie, et qu’il n’en soit plus question !

— Oui… oui, mort au Nazaréen ! — criait la foule parmi laquelle se trouvait Geneviève ; et ce rassemblement, allant toujours grossissant, répétait, avec une fureur croissante, ces cris funestes :

— Mort au Nazaréen !

— Hélas ! — se disait l’esclave, — est-il un sort plus affreux que celui de ce jeune homme, abandonné des pauvres qu’il chérissait, haï des riches auxquels il prêchait le renoncement et la charité ! combien doit être profonde l’amertume de son cœur !

Les miliciens, suivis de la foule, étaient arrivés en face de la maison de Ponce-Pilate ; plusieurs princes des prêtres, docteurs de la loi, sénateurs et autres pharisiens, parmi lesquels se trouvaient Caïphe, le docteur Baruch et le banquier Jonas, avaient rejoint la troupe et marchaient à sa tête. L’un de ces pharisiens ayant crié :