Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/121

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— Souviens-toi qu’au pillage de Soissons, le grand roi Clovis lui-même… n’osa pas disputer un vase d’or à l’un de ses guerriers.

— À nous donc ces trésors comme à toi… et faisons à l’instant le partage…

Le comte n’osa pas résister aux réclamations des leudes, car ces guerriers, tout en reconnaissant un chef, traitaient toujours avec lui de pair à pair. Aussi plusieurs de ces pillards descendirent de cheval, convoitant des yeux les calices, les boîtes à Évangiles, les patènes, les coupes, les plats, les bassins et autres orfèvreries d’or et d’argent… Déjà, se précipitant, se heurtant, ils allongeaient les mains vers ces richesses, lorsqu’une voix retentissante, qui semblait venir du ciel, s’écria :

— Arrêtez, sacrilèges ! Dieu vous entend… Dieu vous voit !… Si vous osez porter une main impie sur les biens de l’Église, vous êtes damnés…

À cette voix d’en haut, le comte Neroweg pâlit, trembla de tous ses membres, et tomba à genoux… Plusieurs leudes l’imitèrent, frappés de terreur.

— Tous à genoux, païens ! — reprit la voix de plus en plus menaçante, — tous à genoux, maudits !…

Les derniers leudes qui restaient encore debout s’agenouillèrent éperdus, ainsi que tous les gens de pied qui avaient rejoint les cavaliers ; cette foule effarée courba le front, se frappa la poitrine en murmurant :

— Miracle ! miracle ! c’est la voix du Seigneur Dieu !…

— Maintenant, grands pécheurs ! — reprit la voix d’en haut d’un ton plus terrible encore, — maintenant que vous vous êtes courbés, frappés de terreur sous l’œil du Seigneur, venez au secours de votre…

La voix n’acheva pas… les rameaux d’un grand chêne, auprès duquel étaient agenouillés Neroweg et ses leudes, se brisèrent çà et là sous le poids d’un gros corps dégringolant de branche en branche, et