Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dont la chute, ainsi amortie, fut si peu dangereuse, que ce gros corps, arrivant à terre presque sur ses pieds, faillit écraser le comte. Ce nouvel incident, ajoutant à la terreur de Neroweg et à celle de la foule, tous se jetèrent la face contre terre en murmurant :

— Seigneur ! Seigneur ! ayez pitié de nous dans votre colère !…

Qui était tombé du faite de l’arbre ?… l’évêque Cautin… la voix d’en haut, c’était la sienne… Avant l’arrivée des Franks, Ronan, le piquant de la pointe de son épée, l’avait forcé à grimper devant lui comme un gros loir dans le branchage du chêne, où il l’avait accompagné, le laissant même parler au nom du Seigneur, tant qu’il s’était borné à épouvanter Neroweg et ses leudes ; mais lorsque le saint homme voulut les appeler à son aide, le Vagre le saisit à la gorge… ce brusque mouvement fit choir Cautin de branche en branche presque sur le dos du comte ; mais l’homme de Dieu était un rusé compère, et quoiqu’un instant étourdi de sa chute, il voulut profiter de la terreur des Franks et de la foule, toujours agenouillés la face contre terre, il se raffermit sur ses jambes, puis il s’écria en gonflant ses joues et en frottant ses larges reins endoloris par sa chute :

— Malheureux ! implorez votre saint évêque, qui redescend du ciel… sur l’aile des archanges du Seigneur !…

— Miracle ! — dit la foule, et chacun de baiser la terre en se frappant la poitrine avec un redoublement de terreur. — Miracle !… miracle !…

— Saint évêque Cautin, qui descendez du ciel… protégez-nous !

— Est-ce ta voix, patron ? — murmura Neroweg toujours la face contre terre, sans oser encore lever les yeux, — est-ce ta voix, saint évêque, ou est-ce un piège de Satan ?

— C’est moi-même… moi, ton évêque… en douter serait un sacrilège !…

— D’où viens-tu, bon patron ?

— Ne te l’ai-je pas dit ?… je descends du ciel… Le Seigneur, après le sac de la villa épiscopale, me voyant emmené par les Vagres, à jamais