Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 4.djvu/128

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retiré par le gardien. Ce fossé profond, rendu marécageux par les suintements et par la permanence des eaux, est rempli d’un tel amoncellement de vase, que l’on s’y engloutirait si l’on tentait de traverser ce bourbier. Non loin de l’hippodrome et à une assez grande distance des bâtiments, mais en dedans de l’enceinte fortifiée, est bâti en briques impérissables, comme toutes les constructions romaines, un ergastule, sorte de cave profonde destinée, lors de la conquête romaine, à enfermer les esclaves destinés aux travaux du camp et des routes voisines ; Ronan, Loysik, l’ermite laboureur, la belle évêchesse, la petite Odille et plusieurs Vagres (morts, depuis leur captivité, des suites de leurs blessures), ont été renfermés, il y a un mois, dans cet ergastule, prison du burg, ensuite du combat des gorges d’Allange, où la plupart des Vagres ont péri, les autres ont fui dans la montagne.

La position de ce burg, le repaire du noble frank, n’est-elle pas bien choisie ?… Les antiques fortifications romaines mettent cette demeure à l’abri d’un coup de main. Le seigneur comte veut-il chasser la bête fauve ? la forêt est si voisine du burg, qu’aux premières nuits de l’automne l’on entend au loin bramer les cerfs et les daims en rut ; veut-il chasser au vol ? les plaines dont sa demeure est entourée offrent aux faucons des nichées de perdrix, et non loin de là, d’immenses étangs servent de retraite aux hérons qui souvent, dans leur lutte aérienne avec le faucon, transpercent de leur bec effilé l’oiseau chasseur ; le seigneur comte veut-il enfin pêcher ? ses nombreux étangs regorgent de brochets, de carpes, de lamproies, et la truite au dos d’azur, la perche aux nageoires de pourpre, sillonnent les ruisseaux d’eau vive.

Oh ! seigneur comte Neroweg ! qu’il est doux pour toi de jouir ainsi des biens de cette terre conquise par tes rois, avec l’aide de l’épée de ton père et de ses leudes… Toi, comme tes pareils, les nouveaux maîtres de ce sol fécondé par les labeurs de notre race, vous vivez dans la paresse et l’oisiveté… Boire, manger, chasser, jouer